Recours entre co-obligés : La Cour de cassation choisit 2224 du Code Civil et non 1792-4-3

Equipe VIVALDI
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Source : Cour de cassation 3ème civile 16 janvier 2020 n°18-25.915

 

Dans cette affaire, un maître d’ouvrage a entrepris la construction d’un immeuble constitué en résidence.

 

Pour cela, le maître d’ouvrage a fait appel à un architecte et à une entreprise titulaire du lot carrelage, assurée au titre de la garantie décennale auprès de la MAAF ASSURANCES.

 

Les travaux ont été réceptionnés le 23 décembre 1999.

 

Se plaignant de désordres et plus particulièrement de l’absence de dispositif d’évacuation des eaux pluviales sur la terrasse de l’un des appartements et de l’existence de traces sur certaines façades de l’immeuble, le syndicat des copropriétaires de la résidence, représenté par son syndic, a assigné en référé expertise l’architecte, le 17 décembre 2009, le carreleur, le 28 décembre 2009 et l’assureur MAAF le 25 janvier 2010.

 

Un expert judiciaire a été désigné et sur la base des conclusions du rapport, une procédure au fond a été intentée par le syndicat des copropriétaires à l’encontre de l’architecte.

 

Ce dernier a, par exploits en date des 10 et 12 juin 2014, assigné en garantie le carreleur et son assureur.

 

La Cour d’appel a déclaré prescrite la demande en garantie formulée par l’architecte au visa de l’article 1792-4-3 du Code Civil, estimant que la prescription de dix ans de l’article 1792-4-3 du Code Civil à compter de la réception des travaux s’applique aux recours entre constructeurs fondés sur la responsabilité contractuelle ou quasi-délictuelle.

 

Pour cela, la Cour rappelle que la réception des travaux est intervenue le 23 décembre 1999, et que le carreleur et son assureur ont été assignés en référé par le Syndicat des Copropriétaires les 28 décembre 2009 et 25 janvier 2010.

 

Néanmoins, la Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu.

 

La question se posait de savoir quel article trouvait application au cas d’espèce : 1792-4-3 du Code Civil, disposant que le délai de recours entre constructeurs expire 10 ans après la réception des ouvrages ou l’article 2224 du Code Civil permettant au constructeur, demandeur en garantie à l’encontre d’un co-obligé, d’agir dans un délai de cinq ans à compter de la connaissance des faits, et donc ici à compter de l’assignation en référé délivrée à l’architecte le 17 décembre 2009.

 

La Haute juridiction s’attache tout d’abord a rappelé qu’une telle action, qui ne peut être fondée sur la garantie décennale, est de nature contractuelle si les constructeurs sont contractuellement liés et de nature quasi-délictuelle s’ils ne le sont pas (3e Civ., 8 février 2012, pourvoi n° 11-11.417, Bull. 2012, III, n° 23) ;

 

Par la suite, la Cour de cassation précise que le délai de prescription de ce recours et son point de départ ne relèvent pas des dispositions de l’article 1792-4-3 du Code Civil dès lors que cet article, inséré dans un chapitre du Code Civil consacré aux contrats de louage d’ouvrage et d’industrie, n’a vocation à s’appliquer qu’aux actions en responsabilité dirigées par le maître d’ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous-traitants.

 

Par ailleurs, la Cour poursuit en affirmant que « fixer la date de réception comme point de départ du délai de prescription de l’action d’un constructeur contre un autre constructeur pourrait avoir pour effet de priver le premier, lorsqu’il est assigné par le maître de l’ouvrage en fin de délai d’épreuve, du droit d’accès à un juge »

 

La Cour de cassation conclut en ajoutant : « Attendu qu’il s’ensuit que le recours d’un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève des dispositions de l’article 2224 du code civil ; qu’il se prescrit donc par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer »

 

En outre, et bien que la Cour de cassation ne le mentionne pas, la décision de la Cour d’appel est également critiquable car elle laisse penser que les assignations en référé expertise délivrées par le syndicat des copropriétaires au carreleur et à son assureur seraient également interruptives de prescription pour l’architecte.

 

Or, l’architecte, défendeur à la procédure de référé, ne saurait bénéficier de cette interruption.

 

Au-delà de la pédagogie dont fait preuve la Cour de cassation par la rédaction d’un arrêt extrêmement clair, qui ne peut être soumis à interprétation, la Haute Juridiction a fait preuve de bon sens, permettant aux co-obligés d’exercer leur recours en garantie malgré l’expiration de délai de 10 ans à compter de la réception de l’ouvrage.

 

On ne peut que se réjouir de cette décision qui permettra dorénavant d’éviter tout débat sur la prescription devant les juridictions.

 

Marion MABRIEZ

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