L’Institut National de l’Audiovisuel (INA), en tant qu’établissement public chargé de conserver et de mettre en valeur le patrimoine audiovisuel national, détient les droits et responsabilités des producteurs télévisuels publics successifs, et notamment de l’Office de Radiodiffusion Télévision Française (ORTF).
L’ORTF avait produit en 1968 une représentation de la comédie ballet du Bourgeois gentilhomme de MOLIERE, diffusée initialement à la télévision. A cette occasion, les musiciens interprètes avaient, lors de l’enregistrement destiné à être destiné pour la bande son de l’œuvre audiovisuelle, signé une feuille de présence précisant dans la rubrique « titre de production » que l’œuvre était réalisée par le « service de production dramatique » de l’ORTF en vue d’une diffusion à la télévision.
Un litige est né lorsque l’INA a décidé de commercialiser en 2003 sous forme de vidéogrammes l’enregistrement de l’interprétation de l’œuvre de MOLIERE. La société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes de la musique et de la danse (SPEDIDAM) estimait qu’une rémunération était due à ses sociétaires à raison de la fixation de l’œuvre sur un nouveau support.
Cette affaire a été menée par deux fois devant la Cour de cassation, le débat se portant sur la question de savoir si la feuille de présence signée par les musiciens interprètes lors de l’enregistrement pouvait constituer un contrat conclu pour la réalisation d’une œuvre audiovisuelle au sens de l’article L. 212-4 du Code de la propriété intellectuelle, lequel dispose que « la signature du contrat conclu entre un artiste-interprète et un production pour la réalisation d’une œuvre audiovisuelle vaut autorisation de fixer, reproduire et communiquer la prestation de l’artiste interprète ; ce contrat fixe une rémunération distincte pour chaque mode d’exploitation de l’œuvre ». Cette qualification entraîne des conséquences économiques importantes pour le producteur, puisqu’à défaut, celui-ci doit obtenir l’autorisation écrite pour la fixation, la reproduction et la communication au public de l’œuvre sur tout nouveau support et le rémunérer en conséquence.
Aux termes de son arrêt en date du 29 mai 2013, la 1ère Chambre Civile de la Cour de cassation avait énoncé que « ne constitue pas un contrat conclu pour la réalisation d’une œuvre audiovisuelle le contrat souscrit par chacun des interprètes d’une composition musicale destinée à figurer dans la bande sonore de l’œuvre audiovisuelle ».
La Cour d’Appel de LYON, désignée comme juridiction de renvoi après cassation, n’avait pas entendu suivre la Haute juridiction et avait retenu, comme la première Cour d’Appel et par des motifs similaires, que le contrat conclu entre l’ORTF et les musiciens d’orchestre l’avait été pour la réalisation d’une œuvre audiovisuelle.
La Cour de cassation, à nouveau saisie d’un pourvoi par la SPEDIDAM, cette fois réunie en Assemblée plénière, a procédé à un revirement de jurisprudence, approuvant désormais la Cour d’Appel d’avoir déduit des éléments relevés par elle que la feuille de présence signée par les interprètes constituait un contrat conclu avec le producteur entrant dans les prévisions de l’article L. 212-4 du Code de la propriété intellectuelle et qu’en conséquence, l’INA n’avait pas à solliciter une autorisation pour l’exploitation de cette œuvre sous une forme nouvelle.
La Haute juridiction adopte ainsi une interprétation extensive de la notion de contrat pour la réalisation d’une œuvre audiovisuelle, dont le formalisme n’est pas recherché, privilégiant l’interprétation du contexte à l’origine de la relation entre le musicien interprète et le producteur pour identifier si, au regard des faits, les musiciens étaient bien informés que la fixation de leur prestation était destinée à la réalisation d’une œuvre audiovisuelle.
Virginie PERDRIEUX
Vivaldi-Avocats