Quand les contrats de franchise et de location gérance basculent en gérance salariée de succursale…

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

  

SOURCE : Soc., 23 juin 2015, n°13-26361

 

En l’espèce, après avoir rompu amiablement les contrats de franchise et de location gérance le liant à la société Carrefour Proximité France, une personne physique assigne le distributeur par devant la juridiction prud’homale en sollicitant notamment le paiement d’un arriéré de salaire et d’indemnités sur le fondement de l’article L7321-1 et L7321-2 du Code du travail.

 

Aux termes de ces articles,

 

« Les dispositions du [code du travail] sont applicables aux gérants de succursales, dans la mesure de ce qui est prévu au présent titre.

 

Est gérant de succursale toute personne : (…)

 

2° Dont la profession consiste essentiellement (…) à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise ; (…) 

 

lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise»

 

En d’autres termes, pour que les dispositions de cet article profitent au franchisé locataire gérant, 4 conditions cumulatives doivent être remplies, que la Cour d’appel de Rennes rappelle dans sa décision :

 

fourniture ou agrément du local par l’entreprise

 

Cette condition est manifestement remplie en l’espèce, en raison de l’existence d’une location gérance, interdépendante du contrat de franchise ;

 

 existence d’un lien exclusif ou quasi exclusif auprès d’une seule entreprise

 

Le contrat de franchise contenait une obligation d’assortiment minimum qui, a priori, n’est pas une clause d’approvisionnement exclusif, et permet théoriquement au franchisé de se fournir auprès de sociétés tierces, ce que rappelait le franchiseur. La Cour d’appel ne se contente toutefois pas de relever l’existence d’une telle clause, elle apprécie in concreto l’autonomie du franchisé.

 

Elle en déduit que les clauses du contrat de franchise ne lui permettent pas, in fine, de disposer d’une quelconque autonomie d’approvisionnement, le franchisé étant contraint de ne contracter à ce titre qu’avec les sociétés du Groupe du franchiseur.

 

exploitation aux conditions imposées par l’entreprise ;

 

Les conditions de vente, l’achalandage du magasin et la disposition des linéaires étaient définis par le franchiseur et les horaires d’ouverture du magasin imposés par le bailleur qui disposait à ce titre, selon le contrat de location-gérance, d’un pouvoir de sanction spécifique ;

 

exploitation aux prix imposés par l’entreprise ;

 

La modification des prix était complexe et peu réalisable, vu l’obligation de « respecter la politique de la marque ».

 

La Cour d’appel en déduit que le franchisé est dans un état de dépendance caractéristique du statut de salarié, et condamne le distributeur. A juste titre, pour la Cour de cassation qui rejette le pourvoi formé par le franchiseur, qui se rappellera donc qu’il lui faut veiller à préserver l’indépendance de son franchisé.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 

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