Prêt consenti à des coemprunteurs : comment apprécier le risque d’endettement excessif ?

Eric DELFLY
Eric DELFLY - Avocat associé

Pour la Cour de Cassation, l’établissement de crédit doit apprécier le risque d’endettement excessif au regard des capacités financières de tous les emprunteurs.

Source : Cass. 1ère Civ. 29 juin 2022 n° 21-11.690

I –

La Jurisprudence commentée s’inscrit évidemment dans l’hypothèse d’un emprunteur non averti qui contraint la banque à vérifier que l’engagement de celui-ci est adapté à sa capacité financière[1].

De la même manière, dans son entreprise de construction doctrinale, la Haute Cour a pu juger que cette obligation s’appréciait pour les coemprunteurs en fonction des ressources cumulées de ces derniers[2]. Cette règle s’impose dès lors qu’il est constaté une situation de coemprunt, peu importe que les coemprunteurs soient mariés, pacsés ou se trouvent dans une situation de cohabitation ou non.

II –

Dans ce dossier soumis à la censure de la Cour de Cassation, le crédit était sur la tête de deux emprunteurs, pour une acquisition immobilière au bénéfice d’un seul. Le codébiteur, « non intéressé par la dette », appelé à devoir suppléer à la défaillance de son codébiteur qui, lui, était intéressé par la dette, se révolte et obtient la condamnation de la banque à lui payer des dommages et intérêts au motif d’un manquement à son obligation de mise en garde. Selon la Juridiction du second degré, les échéances du prêt représentaient, en ce qui le concerne et pour la première année d’amortissement, 68 % de ses revenus, avec en corolaire un risque d’endettement avéré.

A tort, répond la Cour de Cassation, le risque d’endettement doit s’apprécier à la souscription du prêt en tenant compte de la capacité financière globale des coemprunteurs, solution ancienne ici confirmée par un Arrêt publié au bulletin.

III –

Cette solution s’inscrit dans la logique de co-représentation des codébiteurs qui conduit à un mécanisme dont l’efficacité est souvent mal mesurée par ceux des codébiteurs qui s’engagent un peu rapidement. Ainsi :

  • comme le rappelle la Cour de Cassation, l’état d’endettement se mesure à l’aune des ressources respectives de l’ensemble des codébiteurs ;
  • la procédure initiée contre l’un  est opposable à l’autre ;
  • l’interruption de la prescription de l’un, vaut pour l’autre (pour autant qu’ils aient le même régime de prescription) ;
  • etc.

Et pour le coup, il n’est pas douteux que ce codébiteur, non intéressé par la dette, avait, vraisemblablement, assimilé son engagement à une caution qui n’a qu’un statut de débiteur accessoire par rapport à un débiteur principal avec, de  surcroit, une action récursoire sur la totalité de la dette payée aux lieu et place du débiteur principal, alors qu’au cas examiné par Chronos, l’action récursoire s’inscrira dans les limites des sommes  payées  au-delà de la moitié de la dette remboursée à l’établissement de crédit (s’il n’existait que deux codébiteurs).


[1] Cass. 1ère Civ. 19 novembre 2009 n° 08-13.601 ou encore Cass. Com 15 novembre 2017 n° 16-16.790 FS – PBI

[2] Cf Cass. 1ère civ. 10 septembre 2015 n° 14-18.851 ou Cass. Com. 04 mai 2017 n° 16-12.316

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