Précisions du Conseil d’Etat concernant la qualification de revenu exceptionnel dans l’hypothèse d’une réduction de capital

Clara DUBRULLE
Clara DUBRULLE

 

Source : Conseil d’Etat 9e – 10e chambres réunies, 19 mars 2018, n° 399150

 

La perception de revenus exceptionnels ou la perception différée de revenus du fait de circonstances indépendantes de la volonté du contribuable est susceptible d’entraîner une imposition des montants perçus dans les tranches supérieures du barème de l’impôt sur le revenu, et donc, une imposition à un taux supérieur à celui habituellement supporté par le contribuable.

 

Pour éviter que la progressivité de l’impôt n’aboutisse à soumettre à une imposition excessive ces revenus exceptionnels et différés, la loi prévoit un système particulier d’imposition appelé le « système du quotient »[1].

 

Ce système consiste en un étalement de l’imposition du revenu exceptionnel perçu. En pratique, il convient de distinguer, dans le revenu net global imposable, les parts qui correspondent respectivement aux revenus exceptionnels ou différés et aux revenus « ordinaires ».

 

Le calcul de l’impôt résultant de l’application du barème progressif s’effectue ensuite, pour l’année de réalisation du revenu exceptionnel ou différé, en réalisant les opérations suivantes :

 

1. On calcule tout d’abord l’impôt résultant de l’application du barème progressif au seul revenu « ordinaire » ;

 

2. On effectue ensuite les mêmes calculs sur le revenu « ordinaire » majoré du quotient.

 

Le quotient est obtenu en divisant le montant des revenus exceptionnels ou différés par un coefficient. Etant précisé que pour les revenus exceptionnels ce coefficient est fixé à 4 et que pour les revenus différés, il est égal au nombre d’années civiles correspondant aux échéances normales de versement augmentées de 1.

 

Reste à déterminer ce qu’est un revenu exceptionnel. Les revenus exceptionnels sont des revenus qui par leur nature ne sont pas susceptibles d’être recueillis annuellement et dont le montant dépasse la moyenne des revenus nets d’après lesquels le contribuable a été soumis à l’impôt sur le revenu au titre des trois dernières années.

 

Autrement dit, pour être qualifié d’exceptionnel au sens de l’article 163-0 A du Code Général des Impôts, le revenu :

 

Doit être exceptionnel par sa nature : il ne doit pas être récurent ou susceptible de se renouveler ;

 

Doit être exceptionnel par son montant : il doit dépasser la moyenne des revenus nets soumis à l’impôt sur le revenu au titre des 3 années précédentes.

 

En droit des sociétés, le Conseil d’Etat a jugé dès 1993[2] qu’une distribution de sommes prélevées sur le compte de report à nouveau peut ouvrir droit à l’étalement prévu par l’article 163-0 A du Code Général des Impôts que si, comparé aux bénéfices des exercices affectés audit compte de report à nouveau, le dividende ainsi distribué a le caractère d’un revenu exceptionnel.

 

Il précise en 2011[3] que pour qualifier d’exceptionnelle la distribution par la société de dividendes à ses associés, il faut rechercher si ces dividendes constituent pour les associés un revenu exceptionnel. Constitue un tel revenu exceptionnel, par sa nature et par son importance, le résultat pour les associés tiré des dividendes résultant de la cession de la plus grande partie des immobilisations de son patrimoine immobilier par la société qui exerçait l’activité de loueur d’immeuble.

 

Dans une décision du 19 mars 2018, le Conseil d’Etat se prononce une nouvelle fois sur la qualification de revenu exceptionnel cette fois dans le cadre d’une réduction de capital d’une société.

 

En l’espèce, le contribuable reçoit en janvier 2006 de son père, par voie de donation, 3 740 actions d’une SAS.

 

Six mois plus tard, en juin 2006, la société rachète au contribuable 1 520 de ses actions et procède consécutivement à une réduction de son capital. En septembre 2008, la société procède à nouveau au rachat de 1 555 actions au contribuable et réalise une nouvelle réduction de son capital.

 

A cette occasion, le contribuable estime que le gain réalisé constitue un revenu exceptionnel et opte pour son imposition selon le système du quotient prévu par l’article 163-0 A du Code Général des Impôts.

 

L’administration fiscale, lors d’un examen contradictoire de sa situation personnelle, remet en cause la qualification de revenu exceptionnel. La position de l’administration fiscale est confirmée tant par le Tribunal administratif de Marseille que par la Cour administrative d’appel de Marseille.

 

La Cour administrative d’appel pour juger que le gain né chez le contribuable du rachat par la société de ses propres actions ne présentait pas un caractère exceptionnel, s’est fondée sur la seule circonstance qu’une opération similaire de rachat avait déjà été effectuée en 2006 et qu’elle n’avait donné lieu à aucun gain pour le contribuable.

 

Le Conseil d’Etat juge que la Cour a commis une erreur de droit en se fondant sur la seule circonstance qu’une opération similaire avait déjà eu lieu antérieurement, sans rechercher si le rachat des titres constituait un revenu qui par sa nature, n’était pas susceptible d’être recueilli annuellement.

 

Ainsi, pour déterminer le champ d’application du régime du quotient, ce ne sont pas les opérations juridiques qu’il convient de retenir (en l’espèce une réduction de capital) mais bien la nature du revenu trouvant son origine dans ses opérations.

 

Le Conseil d’Etat confirme le critère tenant à la détermination d’un revenu qui par sa nature n’est pas susceptible d’être recueilli annuellement, peu important que l’opération puisse quant à elle être susceptible de se renouveler.

 

En l’espèce, le Conseil d’Etat porte une attention toute particulière à la catégorie d’imposition des revenus, puisqu’il rappelle que le gain réalisé à la suite d’une réduction de capital est imposable dans la catégorie des plus-values de cession de valeurs mobilières conformément à la décision du 20 juin 2014 du Conseil Constitutionnel.

 

Toutefois, le Conseil d’Etat ne tranche pas définitivement le litige puisqu’il ne se prononce pas sur la qualification en l’espèce de revenu exceptionnel ou non.

 

Clara DUBRULLE

Vivaldi-Avocats

 


[1] Article 163-0 A du Code Général des Impôts

[2] CE 5 mars 1993, n° 76566, 9e et 8e s.-s., M. Coyard

[3] CE 26 janvier 2011 n° 306897, 8e et 3e s.-s., min. c/ Vandermeersch

 

 

 

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