PLF 2019 : La proposition de création d’un abus de droit « à deux étages »

Clara DUBRULLE
Clara DUBRULLE

 

Source : Amendement n° II-CF1066 – PLF 2019 n° 1255

 

La procédure d’abus de droit, prévue par l’article L64 du Livre des procédures fiscales, permet à l’administration d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, afin d’en restituer le véritable caractère.

 

Sont visés les actes ayant un caractère fictif (abus de droit par simulation), ainsi que les actes qui, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles (abus de droit par fraude à la loi).

 

L’abus de droit est sanctionné par l’application de l’intérêt de retard et d’une majoration égale à 80% des droits mis à la charge du contribuable lorsqu’il est établi que celui-ci a eu l’initiative principale des actes abusifs ou en a été le principal bénéficiaire et à 40 % lorsque cette preuve n’est pas apportée.

 

En 2013, les députés avaient tenté d’élargir le champ d’application de l’abus de droit fiscal aux actes qui avaient « pour motif principal d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ». Autrement dit, les actes poursuivant un but principalement fiscal étaient susceptibles d’être remis en cause au titre de l’abus de droit.

 

Le Conseil Constitutionnel avait sagement souligné « qu’une telle modification de la définition de l’acte constitutif d’un abus de droit a pour effet de conférer une importante marge d’appréciation à l’administration fiscale » et considéré que « compte tenu des conséquences ainsi attachées à la procédure de l’abus de droit fiscal, le législateur ne pouvait, sans méconnaître les exigences constitutionnelles précitées, retenir que seraient constitutifs d’un abus de droit les actes ayant « pour motif principal » d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé aurait dû normalement supporter »[1].

 

Mme. PEYROL a proposé avec son amendement n°II-CF1066 un assouplissement de l’abus de droit. En pratique, il serait ajouté un article L64 A au Livre des procédures fiscales rédigé comme suit :

 

« Afin d’en restituer le véritable caractère et sous réserve de l’application de l’article 205 A du code général des impôts, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes qui, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ont pour motif principal d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

 

En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige peut être soumis, à la demande du contribuable ou de l’administration, à l’avis du comité mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 64 du présent code. »

 

Comme le précise l’exposé sommaire de l’amendement, afin d’éviter une éventuelle censure constitutionnelle comme en 2013, cet amendement ne modifie pas le champ de la majoration de 80 % prévue au b de l’article 1729 du code général des impôts : cette majoration restera applicable aux seuls abus de droit par fictivité et aux abus de droit à la motivation fiscale exclusive.

 

Il y aurait donc un abus de droit « à deux étages » :

 

– L’abus de droit à but exclusivement fiscal sanctionné par l’application de pénalités à 80%,

– L’abus de droit à but principalement fiscal sans pénalités spécifiques.

 

Cet assouplissement introduit encore une fois, comme en 2013, une dose de subjectivité importante. La question du but principalement fiscal impliquant une appréciation des faits au cas par cas.

 

Certes, Mme PEYROL a l’origine de cet amendement, bien consciente des risques d’inconstitutionnalité de sa proposition, a pris de soin de préciser que ce nouvel abus de droit ne serait pas assorti de pénalités de 80%, il n’en reste néanmoins que les conséquences financières liées à la mise à l’écart d’un acte par l’administration fiscale sont suffisamment importantes pour mériter une définition précise de l’acte constitutif d’abus de droit.

 

Le délai de mise en œuvre de cette nouvelle procédure est fixé au 1er janvier 2020 afin de permettre la mise à jour des bulletins d’information en coordination avec le comité de l’abus de droit.

 

L’amendement propose également d’étendre le rescrit prévu à l’article L. 64 B du Livre des procédures fiscales à la nouvelle procédure d’abus de droit.

 

Suivant l’avis favorable du rapporteur général, la commission a adopté cet amendement dans son ensemble.

 

Espérons que le gouvernement lors des débats en séance publique s’opposera fermement à l’adoption de cette proposition.

 

Clara DUBRULLE

Vivaldi Avocats


[1] Décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013

 

 

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