Nous analyserons quatre thèmes sur le sujet de la dette liée au patrimoine.

 

A) La contrainte

 

Quand l’on a essentiellement un patrimoine immobilier, la dette y afférente est naturelle. L’acquisition immobilière se réalise en une fois et le remboursement se répartit en plusieurs années, par des loyers reçus et/ou une part de ses revenus. Mais quand ce patrimoine est déjà constitué, la dette peut ensuite devenir une vraie contrainte patrimoniale. En dehors des aspects psychologiques que nous verrons au point suivant, de nombreux contrats de prêt (la majorité) incluent des clauses de pénalité en cas de remboursement anticipé qui freinent la possibilité de réduire son endettement quand une rentrée d’argent intervient. L’on se retrouve ainsi avec un actif à placer (en général prudemment) et une dette qui pourrait être facilement éteinte, par compensation… sauf que les pénalités sont souvent un frein au remboursement.

 

Dans d’autres situations, c’est la fiscalité immobilière, ou du moins l’acquisition d’immobilier défiscalisant, qui réduit la possibilité de rembourser par anticipation la dette d’acquisition car il y aurait un effet moins optimal à ne plus déduire les intérêts d’emprunt. Certes, d’un côté le patrimoine serait placé (avec des taux faibles) et de l’autre côté se trouverait une dette avec un taux a priori plus faible. Ce pourrait être ainsi une opportunité de jouer le différentiel de taux sauf que les placements in fine subissent un impôt sur la plus-value générée (IR ou PFL, plus CSG/CRDS), et le remboursement de la dette s’opère sur des flux fiscalisés (loyers, revenus, rachats partiels sur des placements) rendant souvent ce différentiel négatif en terme réel de taux et non plus positif quand l’on mesure uniquement l’écart facial de taux.

 

Une autre contrainte que l’on voit assez souvent est les contrats d’assurance-vie, peu ou mal gérés, car nantis par les banques, donc plus difficilement arbitrables et mobilisables pour d’autres projets.

 

B) Le désendettement psychologique

 

La dette est perçue comme une certaine contrainte de voir ses revenus obérés pendant de nombreuses années (s’agissant de financement d’immobilier, de rachat d’actions…). Quand une rentrée d’argent intervient, le choix se pose de rembourser ou non les emprunts. Non pas uniquement en terme de différentiel de taux et d’optimisation globale, mais celui de compenser tout simplement actif et passif, et de n’avoir qu’une somme nette sur laquelle l’on aurait toute liberté d’action. De nombreuses personnes réagissent ainsi. Le maintien en fait d’un actif financier et d’un passif se justifie souvent par des conseillers financiers (de tous ordres) voulant essentiellement garder les encours à placer (pour leur rentabilité) sans nécessairement écouter les volontés des clients qui veulent globalement de la simplicité, de la clarté dans leur patrimoine avec le moins de contrainte. Avec force arguments sur le différentiel de taux, actif et passif sont trop souvent présents dans les patrimoines. Souvent, en euros, le gain éventuel réel est marginal au regard du patrimoine d’ensemble. Alors, il est souvent préférable pour un conseil de rendre son client serein et de réduire la dette s’il le préfère. L’on objectera que la période actuelle (2015) est historique basse pour les taux et qu’il vaut mieux garder un taux bas pour jouer sur un différentiel futur qui devrait être plus élevé. Mais l’aspect psychologique est plus fort : une dette doit se rembourser au détriment de toute optimisation (qui reste marginale ou hypothétique).

 

C) L’endettement optimisant

 

A l’inverse du point ci-dessus, des épargnants plus avisés (plus fortunés également) veulent calibrer leur rentabilité patrimoniale par de la dette, sur le principe dit d’effet de levier. A l’instar des fonds d’investissement (« private equity ») qui pratiquent des acquisitions d’entreprises pour produire un TRI (taux de rendement interne) de 20% par an en moyenne, les particuliers peuvent également réaliser ce type de montage en l’immobilier. Nous avons créé un simulateur patrimonial fiable en ce sens. Quand des loyers immobiliers (et des apports en comptes courants réduits) peuvent ainsi rembourser une dette immobilière, à terme le ratio de valorisation nette des sociétés civiles immobilières créées sur les capitaux investis donne des multiples de valorisation proches de 1.5 à 2. Ceux-ci sont d’autant plus élevés que la dette d’acquisition est importante. Il faut naturellement s’inscrire dans une logique comptable, financière, sociétaire, fiscale… pour intégrer tous les paramètres pour suivre au mieux l’évolution de son patrimoine ainsi géré.

 

Nous avons écarté de ce chapitre l’optimisation en immobilier défiscalisant car les intérêts d’emprunt ne représentent plus une part importante et cela reste à notre sens plus de l’optimisation de la fiscalité que celle du patrimoine.

 

Sur ce sujet de la dette optimisante, nous pourrions ajouter un point sur la transmission d’un bien immobilier logé au sein d’une SCI. Si cette dernière s’est endettée pour l’acquérir et que les parents ont entamé une réflexion sur la transmission à leurs enfants, alors la valorisation de la SCI sera faible et sera transmise pour un coût très faible. Le sort des comptes courants pour rembourser la dette se gère bien de plusieurs façons, à adapter au cas par cas.

 

D) La gestion des équilibres

 

Le rapport à l’argent est propre à chacun, ainsi que les équilibres à trouver dans sa gestion patrimoniale personnelle. Et pourtant certains principes sont presque universels. En plaçant de l’argent dans un bien qui peut rapporter «beaucoup », alors autant s’endetter. Certes le risque en capital est à prendre à compte, mais celui qui investit le connaît, et agit en conséquence. La nécessité est d’agir toujours en sachant qu’une dette doit être remboursée, qu’elle ne doit pas freiner la gestion opérationnelle des avoirs financiers (arbitrages, rachats partiels), qu’elle doit être à taux fixe (ou à taux variable capé), avec des garanties que l’on accepte. Le principe est de ne pas figer un patrimoine par la dette que l’on aurait pour différents projets. En effet, les nantissements d’assurance-vie demandés par les établissements prêteurs doivent être strictement limités ; les garanties qui ne sont pas toujours conciliables avec le futur patrimonial de leurs clients. A ces derniers d’être bien conseillés. Un patrimoine figé par des garanties est plus risqué qu’un patrimoine libre car cela réduit la capacité de réaction, de transmission (ou de donation), ou d’arbitrage global dans les éléments qui le composent.

 

Conclusion

 

Des taux historiquement bas, une meilleure connaissance de la finance et du patrimoine par des conseils avisés, une pédagogie sur la construction patrimoine et sa gestion sur le long terme sont les points majeurs à la gestion des équilibres actif/passif. Ajouté à cela les durées de vie qui s’allongent, les critères d’arbitrage sur la dette sont devenus nécessaires. Il n’y a aucune vérité, mais seulement un bon sens économique qui peut être optimisé, toujours en conformité des objectifs des épargnants.

 

Les simulations financières lors de la mise en place d’une dette doivent être fiables, évolutives, plausibles dans une logique de conseil et non pour étoffer un discours qui conduirait à la vente de produits patrimoniaux nécessitant de s’endetter.

 

François ALMALEH

FINADOC et ACTIONNAL

 

Directeur financier privé, Services financiers aux dirigeants, Gestion de fortune

Certifié AFNOR ISO 22222 en gestion de patrimoine Conseiller en Investissements financiers n°D011865 auprès de la CNCIF –

Orias N° 11 062 831 

www.finadoc-actionnal.comf.almaleh@finadoc-actionnal.com

 

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