Opposabilité des conventions collectives dans les marchés publics

Stéphanie TRAN
Stéphanie TRAN

 

 

SOURCE : Conseil d’Etat, 11 décembre 2013, n°372214.

 

En l’espèce, le grand port maritime de la Martinique avait engagé une procédure adaptée en vue de la passation d’un marché de prestations de sécurité incendie et d’assistance à personne.

 

La société antillaise de sécurité s’était vu évincer de la procédure de mise en concurrence au motif que son offre ne respectait pas la convention collective, ce qu’avait confirmé le juge du référé contractuel du tribunal administratif de Fort-de-France.

 

Saisi du pourvoi à l’encontre de l’ordonnance du juge des référés, le Conseil d’Etat a rappelé qu’une offre s’inscrivant en méconnaissance de la législation en vigueur, et en l’espèce, en méconnaissance de la convention collective, devait effectivement être rejetée en tant qu’elle était inacceptable.

 

L’article 35 – I. 1°du code des marchés publics dispose en effet qu’une offre est inacceptable si les conditions prévues pour son exécution méconnaissent a législation en vigueur.

 

Pour autant, le Conseil d’Etat invalide le raisonnement adopté par le tribunal administratif.

 

Ce dernier avait dénaturé les pièces du dossier, en déduisant des stipulations de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité, l’indication selon laquelle le coût de revient des prestations en cause ne pouvait être inférieur à 17,827 euros alors même qu’en réalité :

 

– ce montant figurait dans un document d’information économique en provenance d’un syndicat professionnel ;

 

– par ailleurs, la convention collective avait pour objet de fixer un salaire minimum de branche, et non pas des coûts de revient global de main d’œuvre.

 

Au surplus, la Haute Assemblée a considéré que le juge des référés avait commis une erreur de droit en ne recherchant pas « si cet écart de coût traduisait nécessairement la méconnaissance du minimum salarial fixé par la convention collective, alors même que les salaires ne constituent qu’un élément du coût de revient global de main d’œuvre ».

 

Dans la mesure où son offre ne devait pas être jugée inacceptable, la société requérante était alors susceptible d’avoir être lésée par les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence dont elle arguait au soutien de son recours.

 

Néanmoins, et dès lors qu’en l’espèce, le contrat avait été signé à la date à laquelle le juge des référés avait été saisi, les manquements soulevés n’étaient pas opérants devant le juge statuant en matière de référé contractuel.

 

En effet, il sera rappelé qu’aux termes des dispositions de l’article L. 551-18 du code de justice administrative, le juge du référé contractuel ne prononce la nullité du contrat que dans les conditions strictement définies par le même article, à savoir notamment l’absence de mesure de publicité, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

 

Autant dire qu’une fois le contrat signé, il est quasiment impossible pour le requérant, de voir sanctionnée par le juge des référés la procédure litigieuse, sauf à ce qu’aucune mesure de publicité n’ait été faite, auquel cas la sanction appliquée sera l’annulation du contrat.

 

Ceci l’est d’autant plus qu’en matière de procédure adaptée, le délai de standstill de 16 jours entre la notification du rejet de l’offre et la signature du marché, prévu à l’article 80 du code des marchés publics, n’a pas lieu de s’appliquer.

 

Telle est la position adoptée par le Conseil d’Etat depuis 2011 (19 janvier 2011, Grand port maritime du Havre, n°343435), et rappelée au sein de la décision présentement commentée, afin de mettre fin à la confusion induite entretemps par certaines décisions de cours administratives d’appel.

 

Celles-ci considèrent en effet, à l’inverse du Conseil d’Etat, que le respect des principes généraux du droit nécessite l’observation d’un délai raisonnable avant la signature du marché (CAA Nantes, 28 mars 2013, n°11NT03159, CAA Nancy, 18 novembre 2013, n°12NC01181).

 

Stéphanie TRAN

Vivaldi Avocats

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