Obligation de mise en garde du banquier et informations erronées de l’emprunteur : quelle limite ?

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Source : Cass. civ.1ère, 1er juin 2016, n°15-15.051, P+B

 

I – Les faits

 

Deux personnes souscrivent auprès d’une banque un prêt immobilier et un prêt personnel, mais se retrouvent rapidement dans l’impossibilité de faire face aux échéances de leurs prêts. La banque leur ayant notifié la déchéance du terme, ils l’assignent notamment en indemnisation pour manquement à son devoir de mise en garde.

 

Les juges du fond déboutent les demandeurs de leurs prétentions. Ils forment donc un pourvoi en cassation.

 

II – L’arrêt de cassation partielle

 

Le devoir de mise en garde du banquier suppose que ce dernier se renseigne au préalable sur les capacités financières de l’emprunteur afin de pouvoir utilement l’alerter sur les risques du crédit sollicité.

 

Or, les emprunteurs ont communiqué des informations inexactes sur la « fiche de renseignements de solvabilité » demandée par la banque. Ils soutiennent que, de bonne foi, ils n’ont fait que reproduire les valeurs erronées données par une tierce personne, à savoir leur cabinet comptable. La banque a ainsi manqué de vigilance en omettant de vérifier la concordance entre les chiffres indiqués sur la fiche et les avis d’impôt sur le revenu qui lui ont été adressés, lesquels mettent en évidence l’erreur commise par le cabinet comptable.

 

La Cour de cassation écarte d’un revers de manche cette argumentation : en l’absence d’anomalies apparentes, le banquier n’a pas à s’assurer de l’exactitude de la fiche de renseignements. Il n’a donc pas à vérifier la concordance entre la fiche et les avis d’impôt sur le revenu produits par les emprunteurs.

 

En outre, le devoir de mise en garde du banquier n’existe qu’en cas de risque d’endettement excessif de l’emprunteur, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

 

Sur ce point, l’arrêt d’appel est confirmé.

 

III – La portée de la décision

 

En matière de crédit à la consommation, les dispositions des anciens articles L.311-9 et L.311-10 du Code de la consommation[1], dans leur rédaction issue de la loi no2005-67 du 28 janvier 2005, entrée en vigueur le 28 juillet 2005 découlent elles-mêmes des dispositions de la directive no2008/48/CE du 23 avril 2008. Selon la Cour de Justice de l’Union Européenne, elles doivent être interprétées en ce sens que d’une part, elles s’opposent à une réglementation nationale selon laquelle la charge de la preuve de la non-exécution des obligations prescrites aux articles 5 et 8 de la directive no 2008/48/CE repose sur le consommateur et, d’autre part, elles s’opposent à ce que, en raison d’une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l’exécution desdites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive no 2008/48/CE. 

 

Plus précisément, l’article 8, paragraphe 1er, de cette directive doit être interprété en ce sens, d’une part, qu’il ne s’oppose pas à ce que l’évaluation de la solvabilité du consommateur soit effectuée à partir des seules informations fournies par ce dernier, à condition que ces informations soient en nombre suffisant et que de simples déclarations de celui-ci soient accompagnées de pièces justificatives, et, d’autre part, qu’il n’impose pas au prêteur de procéder à des contrôles systématiques des informations fournies par le consommateur.[2]

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats



[1] Nouveaux articles L.312-16 et L.312-17 du Code de la consommation

[2] CJUE, 18 déc. 2014, aff. C-449/13, CA Consumer Finance contre Ingrid Bakkaus et autres

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