Nullité du licenciement d’un lanceur d’alerte.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

SOURCE : Cass Soc., 30 juin 2016, Arrêt n°15-10.557, FS-P+B+R+I.

 

Un salarié va être engagé par une association ayant pour objet de gérer un centre d’examen de santé financé par la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la GUADELOUPE en qualité de directeur administratif et financier.

 

Il va rentrer en conflit avec le président de l’association, lequel va tenter d’obtenir le paiement de rémunérations indues au profit d’un médecin pour lequel il va régulariser un contrat de travail fictif en qualité de directeur du centre d’examen de santé.

 

Par suite, le directeur administratif et financier va dénoncer les faits dont il s’agit dans le cadre d’une plainte au Procureur de la République.

 

Convoqué à un entretien préalable, le salarié va se voir notifier son licenciement pour faute lourde, son licenciement était essentiellement motivé par le fait qu’il ait dénoncé auprès du Procureur de la République des faits pouvant être qualifiés de délictueux, l’employeur lui reprochant en outre d’avoir divulgué des documents internes à l’association dans le cadre de la plainte.

 

Contestant son licenciement, le salarié va saisir le Conseil des Prud’hommes de POINTE A PITRE.

 

Débouté par un Jugement du 22 janvier 2013, le salarié interjette appel de la décision.

 

Saisie de cette affaire, la Cour d’Appel de BASSE TERRE, dans un Arrêt du 15 septembre 2014, relevant que les faits dénoncés étaient avérés, va considérer qu’il en résulte que le licenciement du salarié ne peut être considéré comme fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais que pour autant la nullité du licenciement ne peut être prononcée, ceci dans la mesure où les dispositions de l’article L.1132-3-3 du Code du Travail résultant de la loi n° 2013-1117 du 06 décembre 2013 sur la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière n’étaient pas applicables à l’époque du licenciement et qu’en outre les dispositions de l’article L.1161-1 du Code du Travail n’étaient pas applicables en l’espèce puisqu’aucun fait de corruption n’avait été dénoncé par le salarié.

 

Considérant qu’elle ne peut ordonner la réintégration du salarié, la Cour d’Appel condamne néanmoins l’association à indemniser le salarié du préjudice subi résultant de la rupture abusive de son contrat de travail.

 

Ensuite de cette décision, l’employeur et le salarié forment tous deux un pourvoi en Cassation.

 

La Chambre Sociale va tout d’abord rejeter le pourvoi incident de l’employeur, énonçant que le fait pour un salarié de porter à la connaissance du Procureur de la République des faits concernant l’entreprise qui lui paraissent anormaux, qu’ils soient ou non susceptibles de qualification pénale, ne constitue pas en soi une faute, mais accueillant le pourvoi du salarié, la Chambre Sociale, au visa de l’article 10 alinéa 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, énonçant qu’en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné de bonne foi de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales est frappé de nullité.

 

Par suite, la Chambre Sociale casse et annule l’Arrêt d’Appel en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes en nullité de son licenciement et de réintégration dans ses fonctions.

 

Cet Arrêt constitue la première décision rendue par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation en matière de licenciement d’un lanceur d’alerte. En fondant sa décision sur l’article 10 alinéa 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, la Chambre Sociale a trouvé le moyen de rendre une décision en faveur du salarié, nonobstant le fait que les dispositions issues de la loi sur la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière n’étaient pas en vigueur au moment des faits.

 

Pour mémoire, il est rappelé qu’un lanceur d’alerte est une personne qui révèle, dans l’intérêt général et de bonne foi, un crime ou un délit, un manquement grave à la loi ou au règlement, ou des faits présentant des risques ou des préjudices graves pour l’environnement ou pour la santé ou la sécurité publique, ou qui témoigne de tels agissements.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

 

 

 

 

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