Nullité de la promesse de vente amiable d’un immeuble non autorisée par le JEX

Geneviève FERRETTI
Geneviève FERRETTI

  

SOURCE : Cass. 2e civ., 9 avr. 2015, n° 14-16.878. Arrêt n° 604 FS- P + B

 

C’est une nouvelle problématique que vient de trancher la deuxième Chambre Civile de la Cour de Cassation dans son arrêt rendu le 9 avril 2015 : celle de savoir si la vente volontaire d’un immeuble saisi est possible, avec l’accord de tous les créanciers, après le jugement d’orientation ayant ordonné la vente forcée mais avant l’audience d’adjudication.

 

En l’espèce, sur des poursuites aux fins de saisie immobilière exercées par une société à l’encontre d’une SCI, un jugement d’orientation confirmé par un arrêt de d’une Cour d’Appel, a ordonné la vente forcée de l’immeuble saisi à une date déterminée.

 

La veille de l’audience d’adjudication, la SCI a signé une promesse synallagmatique de vente avec une société, sous condition suspensive de mainlevée des hypothèques et inscriptions grevant le bien et de radiation du commandement valant saisie immobilière.

 

Le créancier poursuivant avait ensuite cédé sa créance au bénéficiaire de la promesse et donné son accord, ainsi que les autres créanciers, à la mainlevée des inscriptions et du commandement de payer valant saisie.

 

La condition suspensive se trouvant réalisée, l’acte authentique de vente aurait dû être signé, mais le promettant, soit la SCI (débiteur saisi) a refusé de signer l’acte de vente et a saisi la Tribunal de Grande Instance d’une demande tendant à l’annulation de la promesse de vente.

 

La Cour d’Appel d’Aix-en-Provence dans son arrêt en date du 6 décembre 2012 a fait droit à la demande d’annulation de la promesse de vente et la Cour de Cassation dans l’arrêt présentement commenté rejette le pourvoi formé contre cette décision, en se fondant sur une double motivation.

 

1.- D’une part, la Haute Juridiction retient : «  le jugement d’orientation qui ordonne la vente forcée de l’immeuble saisi interdit de procéder à la vente du bien selon une modalité autre que celle qu’il a prévu »

 

Au travers de ce premier motif, il semble que la Cour de Cassation se fonde non sur l’indisponibilité de l’immeuble résultant de la signification du commandement de payer valant saisie, telle qu’édictée par l’article L.321-12 du Code des procédures civiles d’exécution[1], mais sur le jugement d’orientation qui, en ordonnant la vente forcée, aurait exclu tout recours à une autre modalité de vente.

 

De l’argument retenu par la Haute Juridiction, il s’induit qu’il impose la vente forcée de l’immeuble, à l’exclusion tant d’une vente volontaire que d’une vente amiable sur autorisation judiciaire.

 

Il semble donc que pour la Cour de Cassation, la demande tendant à la vente amiable ne puisse plus être présentée après le jugement d’orientation.

 

Cette position se justifie, dés lors que si le débiteur saisi peut formuler la demande de vente amiable, soit avant la signification de l’assignation à comparaître à l’audience d’orientation, soit à l’audience d’orientation, après que le jugement d’orientation a été rendu aucun texte ne prévoit plus la possibilité de solliciter encore du juge l’autorisation de recourir à une vente amiable.

 

Cette solution a le mérite d’éviter ainsi du débiteur saisi les manœuvres dilatoires de dernière minute dont le but recherché est de retarder l’adjudication au maximum.

 

2.- D’autre part, la Cour de Cassation fonde le rejet de ce pourvoi sur le fait, relevé par les juges du fond « qu’à aucun moment le juge de l’exécution n’avait autorisé, sur le fondement de l’article 2201 du Code Civil alors applicable, la vente amiable telle que prévue par la promesse synallagmatique de vente ».

 

Ce second motif revient à justifier la nullité de la promesse synallagmatique par le fait que la vente qu’elle prévoit n’a pas été autorisée par le juge, alors que cette seule autorisation aurait été de nature à lever l’indisponibilité du bien saisi.

 

Cet argument peut poser difficultés et se révéler être en contradiction avec le premier motif (ci-dessus commenté), selon lequel, dés lors que la vente forcée a été ordonnée, il n’est plus possible de recourir à une autre modalité de vente de l’immeuble.

 

En effet, de l’étude du second motif retenu par la Cour de Cassation, il ne paraît pas écarter une telle possibilité puisqu’il fonde le rejet du pourvoi sur l’absence d’autorisation donnée par le juge à la vente amiable prévue par la promesse synallagmatique.

 

En outre, le doute quant à la portée exacte de cet arrêt est renforcé par le fait que la Cour de Cassation énonce « qu’à aucun moment le juge…. »

 

Cette formulation est quelque peu hasardeuse car est-ce-à dire que le juge aurait pu l’autoriser « à tout moment », même après le jugement d’orientation.

 

C’est peu probable, car une contradiction flagrante apparaîtrait entre les deux motifs retenus par la Cour de Cassation. Disons que la formulation est maladroite.

 

En réalité, la Cour de Cassation continue à mettre en exergue le rôle central de l’audience d’orientation, qu’elle avait déjà entrepris au travers d’un arrêt en date du 19 février 2015[2].

 

Dans cet arrêt elle énonçait que le montant de la mise à prix est irrévocablement fixé dans le jugement d’orientation.

 

En conclusion, dans le jugement d’orientation sont définitivement arrêtés, toutes les modalités de la vente, que ce soit le montant de la mise à prix, la forme de la vente (forcée, amiable sur autorisation judiciaire).

 

Geneviève FERRETTI

Vivaldi-Avocats

 


[1] « L’acte de saisie rend l’immeuble indisponible et restreint les droits de jouissance et d’administration du saisi.
Celui-ci ne peut ni aliéner le bien ni le grever de droits réels sous réserve des dispositions de
l’article L. 322-1.
A moins que le bien soit loué, le saisi en est constitué séquestre sauf à ce que les circonstances justifient la désignation d’un tiers ou l’expulsion du débiteur pour cause grave. »

[2] Cass.civ.2, 19 février 2015, n° 14-13-786, F – P +B

 

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