Notification d’un mémoire après expertise

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

  

SOURCE : 3ème civ, 23 mai 2013, n°12-14009, FS-P+B

 

Devant le juge des loyers commerciaux, seul compétent pour trancher les difficultés « relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé »[1]  la procédure se déroule sur mémoire, conformément aux dispositions de l’article R145-23 al 1du code de commerce. En conséquence, après dépôt du rapport d’expertise contenant estimation de la valeur locative, les parties sont tenues de se notifier mutuellement un mémoire contenant, ou rappelant, leurs prétentions, à la lecture duquel le juge statuera.

 

Le défaut de notification d’un tel mémoire est sanctionné par la l’extinction de la procédure en fixation du bail renouvelé ou révisé, constituant une irrégularité de fond[2].

 

Toutefois, la question du respect de cette procédure se pose lorsque le Tribunal de Grande Instance statue sur le montant du loyer du bail révisé ou renouvelé, conformément à l’article R145-23 al 2 du code de commerce :

 

« Les autres contestations sont portées devant le tribunal de grande instance qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l’alinéa précédent. »

 

En d’autres termes, lorsque le Tribunal de Grande Instance, qui est seul compétent pour trancher toute contestation relative :           à la durée[3]  ou au point de départ[4]du bail renouvelé;

          à la demande tendant à bénéficier d’un abattement sur le prix du loyer[5] ;

          à la demande en résiliation du bail[6] ;

 

est également saisi d’une demande de fixation du loyer du bail révisé ou renouvelé, les parties ont-elles l’obligation, à l’issue du dépôt du rapport d’expertise, de se notifier mutuellement un mémoire ? Ou l’échange de simples conclusions est suffisant ?

 

Telle est la question de nouveau posée à la Cour de cassation dans cette affaire, dans laquelle un juge des loyers s’est déclaré incompétent au profit du Tribunal de Grande Instance, l’une des parties contestant le point de départ du renouvellement du bail.

 

Le bailleur n’ayant pas notifié de mémoire à l’issue du dépôt du rapport de l’expert, missionné afin de donner son avis sur le montant de la valeur locative, le preneur a soutenu que la demande en fixation du loyer était, en conséquence, irrecevable.

 

La Cour de cassation, confirmant l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix en Provence, n’est de cet avis :

 

« la procédure applicable devant le tribunal de grande instance saisi à titre accessoire d’une demande en fixation du prix du bail renouvelé étant la procédure en matière contentieuse applicable devant cette juridiction et non la procédure spéciale sur mémoire en vigueur devant le seul juge des loyers commerciaux, la cour d’appel a retenu à bon droit qu’il ne pouvait être fait grief à la bailleresse de n’avoir pas déposé de mémoire après expertise et, constatant que les parties avaient conclu après le dépôt du rapport de l’expert judiciaire, en a justement déduit que la procédure était régulière »

 

Cette position n’est pas nouvelle, la Haute juridiction ayant déjà considéré, s’agissant d’une demande en révision du loyer, que la procédure sur mémoire n’est pas applicable devant le tribunal de grande instance saisi de la fixation du montant du loyer :

 

« Lorsque la demande en révision du loyer est formée accessoirement devant le tribunal de grande instance saisi à titre principal d’une question relevant de sa compétence, cette demande est instruite suivant les règles applicables devant cette juridiction, et non pas suivant la procédure spéciale en vigueur devant le juge des loyers commerciaux »[7]

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats



[1] Article R145-23 du Code de commerce et R. 211-4 du Code de l’organisation judiciaire

[2]3ème civ, 22 novembre 2011, n° 10-25686 ; 3ème civ, 30 avril 2003, n° 01-15508 ; dans le même sens, 3ème civ, 24 juin 1998, n° 96-19730

[3] TGI Versailles, 28 oct. 1997, Vélizy, Petit-Clamart c/ Sté montagne Burton, Rev. Administrer 1998, no 296, p. 41 ;

[4] TGI Paris, 9 mai 1973, Langlet c/ Pasquier, Rev. loyers 1973, p. 394

[5] Cass. 3e civ., 24 mars 1993, no 91-18.322, Loyers et copr. 1993, no 222

[6] Cass. 3e civ., 12 mars 1985, no 83-11.331, Bull. civ. III, no 49, Rev. loyers 1985, p. 385

[7] Cass. 3e civ., 27 nov. 2002, no 01-12775, Bull. civ. III, n° 240

 

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