Liquidation judiciaire du bailleur : le preneur doit déclarer au passif le montant du dépôt de garantie

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : Cass Com., 18 mai 2016, n°13-28328, Inédit.

 

L’ouverture d’une procédure collective en faveur d’un preneur à bail entraine l’obligation, pour le bailleur, de déclarer ses créances de loyers et de charges au passif de la procédure collective dans les deux mois de la publication du jugement d’ouverture au BODACC (articles L622-24 et L622-26 du Code de commerce).

 

Le bailleur ne peut de lui-même procéder à une compensation entre ses créances et dettes vis à vis du preneur, sans procéder préalablement à une déclaration de l’ensemble de ses créances. A défaut, aucune compensation pour dettes connexes ne sera prononcée, et le bailleur devra s’acquitter de ses obligations pécuniaires sans pouvoir opposer une quelconque créance[1].

 

Le bailleur n’a toutefois pas à indiquer à la procédure collective qu’il détient un dépôt de garantie pour obtenir compensation de cette dette avec sa créance de loyers et charges[2].

 

S’agissant d’une procédure collective ouverte au bénéfice du bailleur, la situation est inversée : si le preneur n’a pas à mentionner l’existence de loyers et charges en souffrance à la procédure collective, il doit impérativement déclarer sa créance au titre de la restitution du dépôt de garantie pour obtenir compensation entre les dettes connexes de restitution de dépôt de garantie et de loyers et charges impayés.

 

Un preneur l’avait visiblement oublié, et pour parvenir à la compensation, prétendait que la créance de restitution du dépôt de garantie était née de la résiliation du bail sollicitée du liquidateur, de sorte qu’il s’agirait d’une créance postérieure au jugement d’ouverture, qui n’avait pas à être déclarée au passif.

 

La Cour d’appel d’Aix en Provence, qui avait déjà reconnu dans une précédente décision, que le dépôt de garantie est une créance antérieure qui nécessite une déclaration au passif[3], procède au revirement de sa jurisprudence et accède à la demande du preneur.

 

Elle condamne ainsi le mandataire liquidateur à restituer au preneur le dépôt de garantie versée lors de la conclusion du bail.

 

Cet arrêt est logiquement cassé par la Cour de cassation, qui rappelle aux juges du fond sa jurisprudence[4], au visa des articles L. 622-24, L. 631-14 et L. 641-3 du code de commerce :

 

« (…) le contrat de bail ayant donné naissance à la créance de restitution du dépôt de garantie avait été conclu antérieurement à l’ouverture de la procédure collective de la société bailleresse, de sorte qu’elle devait être déclarée au passif de cette dernière, (…) »

 

En effet, pour distinguer la créance antérieure de la créance postérieure,  seul le fait générateur de la créance importe et non sa date d’exigibilité. En l’occurrence, la créance de restitution du dépôt de garantie a pris naissance à la date de signature du bail, et non à la date à laquelle le bailleur doit effectivement le restituer.

 

A défaut de déclaration au passif, la créance du preneur sera inopposable à la procédure collective. Le locataire sera donc dans l’incapacité d’obtenir restitution du dépôt de garantie, mais devra s’acquitter des loyers et charges en souffrance, d’autant que ce preneur semble avoir également omis de déclarer sa créance de dommages et intérêts, issue de l’article L641-11-1 du Code de commerce, au titre de la résiliation du bail par le mandataire liquidateur.

 

Cette créance devait être déclarée au passif dans un délai d’un mois à compter de la résiliation (art R622-21 et R641-25 du Code de commerce).

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 


[1] En ce sens, Cass com., 3 mai 2011, n° 10-16758, Bulletin 2011, IV, n° 66

[2] Cass. Com. 18 janvier 2005, 02-12324, Publié au bulletin

[3] CA AIX EN PCE, 16 septembre 2010, sous Cass com., 10 janvier 2012, n°10-26594

[4] Cass Com, 23 janvier 2007, n° 05-13995, Bull civ IV n°10 p11 ; Cass com., 10 janvier 2012, n°10-26594

 

 

 

 

 

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