Les limites posées au devoir de mise en garde de l’emprunteur non averti

Geneviève FERRETTI
Geneviève FERRETTI

 

 

SOURCE : Cass, com., 26 mai 2014. n° 13-13.843. Arrêt n° 470 F-D

 

L’existence prétorienne d’un devoir d’information, de conseil ou de mise en garde à la charge de l’établissement préteur, est relative, dés lors que pour voir sa responsabilité engagée, il appartient à l’emprunteur de démontrer la disproportion de son engagement au regard de ses capacités financières.

 

En l’espèce, deux époux ont par acte notarié, contracté un prêt auprès d’une banque, garanti par une hypothèque sur un bien immobilier leur appartenant. Les emprunteurs étant défaillants, la banque leur a fait délivrer un commandement de payer valant saisie du bien puis les a assignés en vente forcée du bien.

 

Les emprunteurs se sont opposés à cette procédure et ont demandé des dommages-intérêts en invoquant divers manquements de la banque.

 

La Cour d’Appel de Nancy dans son arrêt en date du 3 décembre 2012 a débouté les emprunteurs de leurs demandes.

 

Les emprunteurs forment un pourvoi et font grief à la cour d’appel d’avoir rejeté leur demande tendant à voir dire la banque responsable pour défaut de conseil et de mise en garde, soutien abusif et à sa condamnation au paiement de dommages-intérêts devant se compenser avec la créance de remboursement du prêt litigieux.

 

A l’appui de leur pourvoi, ils font valoir les moyens suivants :

 

1)Se considérant comme des emprunteurs non avertis, ils soutiennent qu’il appartenait à la banque de justifier avoir satisfait à son obligation de mise en garde au regard de leurs capacités financières et du risque de l’endettement né de l’octroi du prêt. Les emprunteurs de conclure que les juges du fond en leur reprochant de n’avoir pas rapporté la preuve du manquement par la banque à ses obligation, a inversé la charge de la preuve et a violé l’article 1315 du Code Civil ;

 

2)La banque aurait également commis une faute en consentant un prêt dont les charges sont excessives au regard de la modicité de leurs ressources, celles-ci s’entendant des revenus réguliers permettant de faire face aux charges de l’emprunt et non de leur patrimoine qui n’a pas vocation à permettre le règlement des échéances. La cour d’appel en considérant que l’octroi du prêt n’était pas disproportionné dés lors que les emprunteurs étaient propriétaires de leur maison et leur permettait de faire face aux échéances périodiques du remboursement du prêt, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

 

3)Le caractère excessif du prêt s’apprécie au regard des revenus de l’emprunteur et de ses charges. Les emprunteurs font grief à la cour d’appel de s’être bornée à relever que les emprunteurs ne rapportaient pas la preuve que la société, dont l’un des époux était gérant était dans une situation délicate et que leur propre situation était désespérée, sans rechercher s’ils disposaient à la date de l’octroi du prêt de revenus suffisants pour assumer les échéances, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

 

4)Enfin, les emprunteurs reprochent à la cour d’appel de ne pas avoir répondu au moyen soulevé dans leurs écritures, suivant lequel la banque n’ignorait pas qu’ils étaient déjà inscrits sur le fichier FICP de la Banque de France en raison de plusieurs incidents de paiement survenus pour d’autres prêts.

 

La Cour de Cassation rejette les moyens des emprunteurs et donc le pourvoi, approuvant la cour d’appel.

 

Voici ce qu’elle a jugé :

 

« Mais attendu qu’il appartient à l’emprunteur qui invoque le manquement de la banque à son obligation de mise en garde d’apporter la preuve de la disproportion de son engagement au regard de ses capacités financières ou du risque d’endettement né de l’octroi du crédit ; que l’arrêt relève, tant par motifs propres qu’adoptés, que M. et Mme X.. étaient, au moment de l’octroi du prêt, propriétaires d’un immeuble d’habitation dont la valeurse trouvait en adéquation avec la somme empruntée, faisant ressortit que, même si le montant de la mise à prix pour la vente forcée de ce bien n’était pas strictement équivalent à celui du prêt, celui-ci était néanmoins adapté à leurs capacités financières ;

 

Qu’ainsi c’est par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments qui lui étaient soumis que la cour d’appel, qui n’a pas inversé la charge de la preuve et n’était tenue, ni de procéder à la recherche, devenue inopérante…, ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation a estimé que le crédit litigieux n’était pas disproportionné aux facultés contributives de M. et Mme X, que le moyen n’est pas fondé… »

 

Geneviève FERRETTI

Vivaldi-Avocats

 

 

Print Friendly, PDF & Email
Partager cet article