Les investissements patrimoniaux : Prix et liquidités

François ALMALEH
François ALMALEH

  

Depuis une quinzaine d’années et la financiarisation poussées de nos économies, en immobilier ou en finances, les investisseurs sont confrontés à ce sujet de liquidité. Nous   verrons comment un bien liquide vaut plus cher qu’un bien d’une valeur facialement supérieure mais pas ou peu liquide (ou cessible), après avoir analysé la fixation   des prix initiaux et de cession.

 

Que ce soient les actions, les obligations, les opcvm, les biens immobiliers, les scpi et beaucoup d’autres placements patrimoniaux, chaque investissement comporte ses propres critères de sélection en terme de qualité intrinsèque, de   performances, de rendements espérés, d’horizon de placement, etc. Pour ces   investissements, un prix de transaction est déterminé, qui en fixe sa valeur   initiale. Il peut être fixé de gré à gré (les obligations, l’immobilier,   l’art…) ou par un marché réglementé (actions) ou issu de différents marchés   composites (opcvm dont les sous-jacents sont cotés sur un marché boursier ou   de gré à gré par exemple).

 

Ce prix d’origine est   variable dans le temps : ce temps est ainsi de quelques secondes pour   les marchés actions, d’une journée pour les opcvm, de quelques semaines à   quelques années pour les biens de gré à gré (immobilier en direct, art, bois   et foret). Sur cette période de temps, les prix initiaux peuvent varier.   C’est naturel, et ils répondent à la loi de l’offre et de la demande (même si   parfois cet équilibre n’est pas aussi économique qu’on le penserait par le   jeu d’une certaine spéculation).

 

Ce prix initial est   assujetti à des taxes ou droits à l’acquisition dudit bien (droits d’entrée,   frais de souscription, frais de courtage, droits de garde, droits de   mutation…). Exemple concret : un investissement hôtelier parisien avec   un TRI cible de 8% sur 6 ans… et avec 8% de frais de commercialisation. Le   TRI est hypothétique mais les frais sont bien réels. La valeur du bien   progresse-t-elle intrinsèquement avec des frais de commercialisation, injustifiés et   dans les pratiques courantes ? Non.

 

L’écart entre le prix   initial et le prix frais inclus constitue une charge, une non-valeur attachée   au bien mobilier ou immobilier ainsi que nous l’avons vu dans l’exemple   ci-dessus. Le bien n’évolue pas intrinsèquement parce qu’il y a cette   surélévation due aux frais. C’est ce nouveau prix, chargé, qui deviendra le   prix de revient initial, celui sur lequel on se réfèrera pour revendre son   bien, son actif, son investissement.

 

A l’acquisition d’un   bien, quelle qu’en soit sa nature, tout un chacun cherchera lors de la revente à en obtenir un prix au moins supérieur à celui d’origine, au principe, naturel au demeurant, qu’investir et obtenir un rendement (ou une performance) sont étroitement liés.

 

Après avoir considéré le   prix initial, penchons-nous sur la fixation du prix final. Là aussi, à l’instar du prix initial, l’on doit tenir compte des mêmes critères pour obtenir   un nouveau prix lors de la revente de l’actif concerné, c’est-à-dire les   variations dues au temps, aux frais de transaction, et à la qualité du bien   (financier, mobilier, immobilier). La différence de prix constitue la plus-value   (l’on ne tiendra pas compte ici de son imposition, même si elle n’est pas   négligeable en France…). C’est logiquement lors de la revente d’un actif que   l’on mesure les effets du temps, à savoir que ce temps a vocation de générer   une plus-value. Le temps rémunère le risque, c’est très classique. Vouloir   faire une plus-value à court terme est possible mais nécessite une plus   grande prise de risque. A risque important, sur une durée longue, ne pas   avoir de performance n’est pas satisfaisant. A l’inverse, dans l’ordre   économique des choses, sur la durée patrimoniale (=le temps), une succession   de variations de prix sur 5 à 15 ans devrait néanmoins conduire à produire une plus-value… si l’investisseur bien sûr achète un bien à potentiel et le   gère correctement. Ainsi, le triplet temps-rendement-risque est-il économiquement et simplement cohérent (et vérifié sur la durée).

 

Toutefois, tout ne se   passe pas exactement comme cela dans la réalité économique, et pas uniquement suite à la crise financière de 2008. Nos économies largement monétarisées et   financiarisées conduisent à des cycles de marché de plus en plus contractés,   avec des variations là aussi d’ampleur (ce que l’on peut appeler la   volatilité). Certes les actifs ont leur vie propre (dépréciation, qualité,   dégradation, …). Que se passerait-il alors dans une logique de temps qui ne répondrait pas à une courbe haussière ou tendanciellement haussière, c’est-à-dire devoir vendre dans un contexte où le prix de cession serait   inférieur aux attentes (l’attente n’est pas un critère objectif) ou inférieur   au prix initial (avec ou sans les couts de transaction) ?

 

Deux possibilités se présentent alors à l’investisseur : où l’investisseur a besoin de vendre ou il peut attendre. Nous prendrons la première situation, celle où   l’investissement doit être revendu dans un contexte où le prix de cession ne fait   pas ressortir un rendement positif. Sauf à accepter de perdre de l’argent,   les soucis peuvent devenir assez importants. Les actifs deviennent   invendables, sans contrepartie, sans liquidité (pas de marché acheteur). Dans   le cadre d’une succession, ou d’une « nécessité » autre (divorce,   donation avant un changement de tranche d’âge, ou pré-cession…), les orientations patrimoniales pourraient être mises à mal, avec des conséquences   financières significatives. Quand peut arriver cette illiquidité ? A l’occasion d’un cycle économique baissier, d’une crise financière, de   mauvaises nouvelles sur une entreprise ou un secteur… Une succession devant se régler dans les six mois, si un actif ne peut être vendu dans cette   période, cela posera souci, et les pertes enregistrées à due proportion.

 

Si l’on pense que depuis des années, de très nombreuses actions n’ont pas revu leur plus haut de 2007, avec des prix encore divisés par deux, trois, dix, …, que l’immobilier répond   à des cycles de plusieurs années où l’on peut être « collé », alors   la question se pose de savoir si l’on a bien fait d’acquérir tel ou tel actif   patrimonial si en final on ne peut le revendre. Se poser la question après coup n’a pas de sens. Bien sur, si l’on savait a priori l’évolution d’un actif, alors le risque n’existerait pas et chacun serait milliardaire.

 

Naturellement, l’on pourrait argumenter que les risques et évènements ne se prédisent pas. Certes, mais tous les investissements soumis à fluctuation ne produisent pas tous des effets négatifs. Quasiment, pour chaque investissement, l’on pourrait y rédiger une grille d’analyse et donc des critères d’appréciation. Beaucoup de personnes là aussi argumenteraient en disant qu’elles ne peuvent   se transformer en spécialiste. Les indépendants du patrimoine pourraient réduire le risque en l’expliquant au départ à leurs clients, mais cela ne   change pas beaucoup la donne, le futur est imprévisible ; il faut juste réduire son incertitude.

 

Prenons un exemple concret : M. dirige une société qui vaut 10 ME. Il veut transmettre (et non céder) pour raison de santé 25% des parts à son enfant repreneur, et équilibrer les montants à ses deux autres enfants, soit 833 KE par enfant. La société est en développement, certes   rentable, mais l’endettement ne peut être augmenté, et l’on ne peut réduire la trésorerie excédentaire (à un faible niveau, compte tenu des besoins en fonds de roulement). Son patrimoine autre est composé d’un bien immobilier acquis 700 KE en 2007, et par expertise, n’en vaudrait que 600 KE (il s’agit   de sa résidence principale), et d’un portefeuille titres équilibré actions/obligations, mais qui à l’origine valait 950 KE et est redescendu à   750 KE. Certes M. pourrait donner moins, mais son fils veut être au seuil des   25% pour l’ISF (la belle-fille a un patrimoine net de 1,4 ME). Par la seule baisse des autres biens (immobilier et titres), M. ne peut donner une partie de son entreprise, n’arrivant plus à avoir d’autres valeurs patrimoniales en   contrepartie. Ainsi des valeurs en baisse d’actifs patrimoniaux remettent en cause une organisation financière, fiscale, patrimoniale touchant l’entreprise.

 

Il est donc nécessaire, voire impératif, de bien se faire conseiller sur les risques inhérents aux investissements patrimoniaux que l’on veut mettre en place.

 

Si un bien vaut 500, avec une espérance de gain à 600 (500+600 de plus value) mais qui pourrait retomber à 450, est-il préférable de le choisir ou de s’orienter vers un bien   qui vaut 500, avec une espérance de gain de 30 mais qui ne pourrait pas descendre (ou peu) sous son prix initial ? Que vaut-il mieux, viser la plus-value maximale (ou importante pour ne pas prendre des extrêmes) et   rester sans possibilité de revente « rapide », ou une plus-value   réduite d’un investissement pouvant être cédé rapidement ? La recherche   du rendement maximal a une contrepartie dans la liquidité.

 

Y a-t-il des moyens pour concilier investissements et liquidité ? La première question est de mesurer le poids de ce bien dans son patrimoine. Est-il ou non important en valeur (ou en pourcentage). Puis ensuite, est-on prêt à assumer (subir) une   moins-value si nécessaire ? Le bien en question est-il atypique ? ou a-t-il une valeur de marché reconnue, mesurable et compatible avec le   marché ? Les investissements financiers, artistiques… sont-ils répartis   ou concentrés ? Le gestionnaire du (des) bien(s) est-il fiable, solide ?

 

Quel serait le délai possible de revente dans une situation économique difficile ? Y aurait-il des solutions de repli ? ou moins « douloureuses » financièrement ? Des emprunts, crédits ou garanties sont-ils liés à l’investissement concerné ?   Second exemple : M. a une résidence principale de 3 ME, 500 KE   d’assurance-vie et une entreprise de 50 ME de valorisation. Ses actifs n’ont   pas été répartis. Il veut vendre sa maison pour se procurer des liquidités et payer des droits de donation. Sa maison (manoir) atypique ne se vend pas depuis des années. La transmission familiale ne se fait pas (même s’il existe le paiement différé et fractionnés des droits… qui par ailleurs au 01/01/2015   deviendra beaucoup moins intéressant car le taux sera variable annuellement et non fixe).

 

Ces questions sont du bon sens. En parler avec un professionnel du patrimoine pour au moins avoir son   avis est important quand le bien acquis est une part significative dans les actifs totaux. Il vaut significativement mieux viser la liquidité d’un bien   que le rendement, et ne pas se trouver dans une prison dorée, un actif avec une valeur potentielle importante mais aucun acheteur et une contrainte sous-jacente.

 

Temps, rendement, risque et désormais liquidité sont la base de tout investissement patrimonial. Le quadruplet est conciliable par des professionnels du patrimoine en lien avec une parfaite adéquation avec leurs clients.

François ALMALEH

 

FINADOC et ACTIONNAL

 

Directeur financier privé, Services financiers aux dirigeants, Gestion de fortune

Certifié AFNOR ISO 22222 en gestion de patrimoine Conseiller en Investissements financiers n°D011865 auprès de la CNCIF –

Orias N° 11 062 831 

www.finadoc-actionnal.comf.almaleh@finadoc-actionnal.com

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