Source : Rép. Procaccia : Sénat, 13 juin 2019, n° 09965
Mme Catherine Procaccia attire l’attention de Monsieur le ministre de l’économie et des finances sur l’évolution de la notion juridique d’abus de droit.
En effet, à partie du 1er janvier 2020, l’administration aura le droit de contester des opérations dont le principal objectif est d’éluder l’impôt ou de réduire les charges fiscales (article L. 64 A du livre des procédures fiscales). Or, jusqu’à présent, l’abus de droit ne sanctionnait que des schémas dont le but était « exclusivement fiscal » mais le nouveau dispositif veut aussi s’attaquer au petit abus de droit.
Mme Catherine Procaccia souligne que nombre de personnes s’inquiètent pour le régime juridique des donations de nue-propriété de biens, technique qui permet d’alléger les droits de donation et de succession tout en permettant au donateur d’en garder l’usufruit. Elle souhaiterait savoir si l’administration fiscale aura toute liberté pour décider au cas pas cas si la donation en nue-propriété est ou non un petit abus de droit. Afin de lever toute incertitude fiscale, tant pour les particuliers que pour leurs conseils, Mme Catherine Procaccia voudrait que soit précisée la notion exacte de petit abus de droit.
Le Ministère de l’action et des comptes publics rappelle que le nouvel article L. 64 A du livre des procédures fiscales, créé par la loi de finances initiale pour 2019, permet à l’administration d’écarter comme ne lui étant pas opposables, les actes qui, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ont pour motif principal d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.
Il précise qu’il n’est pas dans l’intention du législateur de restreindre, pour l’avenir, le recours conforme à la volonté du législateur, tels que les démembrements de propriété dans les opérations de transmissions anticipées de patrimoine, sous réserve bien entendu que les transmissions concernées ne soient pas fictives.
Les précisions sur les modalités d’application de l’article L 64 A, vont être prochainement apportées en concertation avec les professionnels du droit concernés. Néanmoins, chaque opération devant s’apprécier au vu des circonstances de fait propres à chaque affaire, il n’est pas possible à l’administration de prendre une position générale précisant quels actes seraient principalement motivés par des considérations fiscales et susceptibles d’être requalifiés en application de l’article L 64 A du LPF.
Enfin, le ministère souligne que le législateur a prévu des garanties pour assurer la sécurité juridique des contribuables. Ainsi, toute personne qui souhaite sécuriser une décision fiscale peut ainsi, préalablement à la conclusion d’un ou plusieurs actes, engager une procédure de rescrit auprès de l’administration, conformément à l’article L. 80 B du LPF. Ce rescrit sera opposable en cas de contrôle fiscal. De plus, tout contribuable qui estimerait que le dispositif prévu à l’article L 64 A du LPF est appliqué à tort pourra saisir le comité de l’abus de droit fiscal pour étudier sa situation, en amont de tout recours contentieux.