SOURCE : Cass. com ., 3 novembre 2015, n° 14-10.274. Arrêt n° 933 F -D
La problématique dont a été saisie la Cour de Cassation a été de délimiter le fondement de l’action en responsabilité engagée contre les créanciers dispensateurs de crédit pour soutien abusif à une entreprise en procédure collective.
L’action en responsabilité doit – elle être faite sur le fondement des articles 1382 du Code Civil[1] et L.622-20 du Code de Commerce[2] ou uniquement sur le fondement de l’article L.650-1 du Code de Commerce[3].
En l’espèce, pour financer l’acquisition d’un fonds de commerce, une banque a consenti un prêt, garanti par une société caution.
La société X (acquéreur du fonds de commerce et emprunteur) a fait l’objet d’une procédure de sauvegarde et M.Y, en qualité de mandataire judiciaire a assigné la banque et la caution en responsabilité. La procédure de sauvegarde a été convertie en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire.
La cour d’Appel d’Aix en Provence infirmant le jugement rendu, a par arrêt en date du 7 novembre 2013, dit que seules étaient applicables les dispositions de l’article L.650-1 du Code Commerce à l’action en responsabilité dirigée contre les créanciers dispensateurs de crédits et de déclarer irrecevable l’action en responsabilité pour soutien abusif diligenté par le liquidateur contre l’organisme prêteur et la caution sur le fondement des dispositions des articles 1382 et L.622-20 du Code de Commerce.
Le liquidateur forme un pourvoi et fait valoir que l’article L.650-1 du Code de Commerce qui envisage la responsabilité de tout créancier qui consent des concours à une entreprise en difficulté ne s’applique pas aux concours consentis en vue de financer des créations ou des acquisitions d’entreprise, ce qui ressortait encore de deux décisions constitutionnels ayant relevé que « le législateur a expressément prévus que la responsabilité de tout créancier qui consent des concours à une entreprise en difficulté resterait engagé en cas de fraude ».
Toujours pour le liquidateur l’article L.650-1 précité s’applique exclusivement aux concours octroyés à une entreprise en difficulté et non à ceux accordés à une entreprise in bonis ou en cours de création.
La Cour de Cassation considère que les moyens développés par le liquidateur sont infondés dés lors que l’article L.650-1 du Code de Commerce, qui énonce que, lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire est ouverte à l’égard d’un débiteur, ses créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf dans les cas qu’il énumère, s’applique, en raison de la généralité de ses termes, en cas de concours consentis au débiteur pour financer la création ou l’acquisition de son entreprise.
Dés lors la Cour d’Appel en énonçant que le régime dérogatoire institué par le texte visait tous les concours accordés au débiteur, a fait une exacte application de la loi.
La loi étant dite de « sauvegarde des entreprises » , son objectif principal est le redressement. En limitant ainsi la responsabilité du banquier pourvoyeur de crédit, elle devrait permettre aux futurs crédités d’obtenir plus facilement les fonds nécessaires à leurs exploitations. L’idée forte de cette réforme est que dans la majorité des cas la situation était déjà obérée au moment de l’intervention. Les dispositions de la loi devraient permettre aux entreprises de trouver les solutions nécessaires à leur développement ou à la continuation de leur activité auprès de banquiers dont la responsabilité pourra être engagée plus difficilement.
Geneviève FERRETTI
Vivaldi-Avocats
[1] Article 1382 : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer »
[2] Article L.622-20 : « Le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seul qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers. Toutefois, en cas de carence du mandataire judiciaire, tout créancier nommé contrôleur peut agir dans cet intérêt dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.
Le mandataire judiciaire a qualité pour mettre en demeure un associé ou un actionnaire de verser les sommes restant dues sur le montant des parts et actions souscrites par lui.
Le mandataire judiciaire communique au juge-commissaire et au ministère public les observations qui lui sont transmises à tout moment de la procédure par les contrôleurs.
Les sommes recouvrées à l’issue des actions introduites par le mandataire judiciaire ou, à défaut, par le ou les créanciers nommés contrôleurs, entrent dans le patrimoine du débiteur et sont affectées en cas de continuation de l’entreprise selon les modalités prévues pour l’apurement du passif. »
[3] Article L.650-1: « Lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.Pour le cas où la responsabilité d’un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours peuvent être annulées ou réduites par le juge. »