Nullité du contrat de location-gérance : les restitutions réciproques du locataire sont limitées

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

 

SOURCE : 3ème civ, 3 décembre 2015, n°14-22692, Publié au bulletin

 

Aux termes de l’article L144-3 du Code de commerce,

 

« Les personnes physiques ou morales qui concèdent une location-gérance doivent avoir été commerçants (…) pendant sept années (…) et avoir exploité pendant deux années au moins le fonds ou l’établissement artisanal mis en gérance. »

 

L’inobservation de ces conditions est sanctionnée par la nullité absolue de la convention (article L144-10 du même code).

 

La location gérance étant un contrat synallagmatique qui a été exécuté par les deux parties avant son annulation, des restitutions réciproques doivent donc être réalisées : le loueur doit restituer l’ensemble des sommes perçues au titre de la location et le locataire gérant doit « restituer » l’équivalant de la jouissance du fonds ce qui impose d’évaluer en argent la valeur réelle de cette occupation. Cette évaluation doit-elle comprendre tous les fruits de la location, bénéfice fiscal et profit exceptionnel inclus ?

 

La Cour d’appel de Nîmes (CA NIMES, 17 avril 2014) y répond par l’affirmative dans cette affaire, dans laquelle un locataire gérant excipe de la nullité du contrat de location gérance en raison du défaut d’exploitation du fonds dans les deux ans précédant la mise en location, en défense d’une assignation de son bailleur en validation d’un congé et expulsion.

 

Pour les juges du fond, la remise des parties en l’état antérieur suppose le remboursement des redevances par le bailleur et la restitution de l’intégralité du profit tiré de la location par le locataire, soit une indemnité d’exploitation et d’occupation correspondant au montant de la redevance.

 

Tel n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui, saisie d’un pourvoi du locataire, casse l’arrêt querellé sur le fondement de l’article 1304 du Code civil. La Haute Cour estime que :

 

« la remise des parties dans l’état antérieur à un contrat de location gérance annulé exclut que le bailleur obtienne une indemnité correspondant au profit tiré par le locataire de l’exploitation du fonds de commerce dont il n’a pas la propriété ».

 

En d’autres termes, si le locataire gérant est redevable auprès du loueur d’une certaine somme au titre de la mise à disposition du fonds de commerce, cette indemnité ne saurait tenir compte des résultats positifs du locataire, sauf à être éventuellement minorée en raison de la mise en valeur du fonds par le locataire gérant[1].

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 


[1] Cass com, 28 avril 2004, 02-11834

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