Le vendeur professionnel de menuiseries doit vérifier la conformité du choix de son client au règlement de copropriété

Delphine VISSOL
Delphine VISSOL

 

Source : Cour d’appel, Versailles, 1re chambre, 2e section, 24 Octobre 2017 – n° 16/04269

 

Le propriétaire d’un lot en copropriété confie à une société le remplacement et la pose des fenêtres de son appartement suivant bon de commande du 28 avril 2010.

 

Les travaux ont été exécutés et facturés le 1er octobre 2010.

 

Ce même jour, ce propriétaire commande de nouvelles jalousies auprès de la même société.

 

Les travaux ont été exécutés et facturés le 25 février 2011, pour un montant de 6 982 euros.

 

Le copropriétaire reçoit une lettre du syndic de copropriété datée du 18 mars 2011 lui signalant que les fenêtres et volets remplacés ne sont pas conformes à l’existant. Celui-ci adresse alors une lettre de réclamation à son cocontractant le 6 juin 2011.

 

L’assemblée générale des copropriétaires lors de sa réunion du 28 mai 2012 a décidé d’engager à l’encontre de ce copropriétaire une procédure pour non conformité des volets et fenêtres de son appartement. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 juillet 2012, le syndic l’a mis en demeure de se mettre en conformité avec cette décision avant le 30 octobre 2012. Suivant facture du 16 octobre 2013, le copropriétaire a fait procéder au remplacement des persiennes litigieuses.

 

Par ailleurs, il a sollicité et obtenu en référé la désignation d’un expert. L’expert a déposé son rapport le 30 juin 2014.

 

C’est dans ces circonstances que le copropriétaire a assigné la société devant le tribunal d’instance sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil afin d’obtenir sa condamnation au paiement de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel et moral.

 

Par jugement contradictoire du 17 mai 2016, le tribunal d’instance a débouté le copropriétaire de sa demande considérant que le demandeur n’apportait pas la preuve d’un manquement de la société à ses obligations contractuelles.

 

Ce jugement a fait l’objet d’un appel, le copropriétaire demandant à la Cour de dire, en substance, que :

 

les jalousies en PVC n’étaient pas conformes aux prescriptions du règlement de copropriété et des assemblées générales des copropriétaires,

 

la société avait commis « un manquement à l’obligation de loyauté dans la conclusion du contrat puisqu’elle lui a fait croire que les fenêtres et persiennes commandées étaient conformes aux prescriptions du règlement de copropriété abusant de sa faiblesse dès lors qu’il était âgé de 91 ans et présentait des troubles de la mémoire et des troubles cognitifs (…) également manqué à son obligation de conseil soutenant qu’elle aurait dû solliciter la communication du règlement de copropriété et des procès-verbaux d’assemblée des copropriétaires ou consulter le syndic ».

 

En réponse, la société contestait l’existence d’un abus de faiblesse prétendant que son client avait toutes ses facultés à l’époque des faits et relevant que lorsqu’il a signé le bon de commande il ne bénéficiait d’aucune mesure de protection.

 

S’agissant du prétendu défaut de conseil, la société faisait valoir que l’expert a indiqué que le client aurait dû la prévenir de la décision de la copropriété intervenue le 31 mai 2010, postérieurement à la signature du bon de commande, laquelle a défini le type de fenêtre ou de volet à adopter en cas de rénovation ou de remplacement.

 

Par cet arrêt du 24 octobre 2017, la Cour ne retient pas l’abus de faiblesse constatant que le copropriétaire ne justifiait pas de l’existence de troubles cognitifs à la date de signature des deux bons de commande et ne produisait aucune pièce de nature à démontrer qu’il aurait été victime d’un abus de faiblesse.

 

En revanche, sur le manquement à l’obligation de conseil, la Cour retient :

 

« Il appartient au vendeur professionnel de menuiseries extérieures acquis par un copropriétaire profane de le conseiller et de le renseigner, notamment sur la conformité de son choix au règlement de copropriété. Il incombe au créancier de cette obligation de rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation ».

 

Relevant :

 

qu’il résulte de l’article 8 du règlement de copropriété que les huisseries (notamment fenêtres, persiennes) et tout ce qui contribue d’une façon générale à l’harmonie de l’immeuble ne pourront être modifiées même en ce qui concerne la peinture sans le consentement de la majorité des propriétaires,*

 

que lors de l’assemblée générale des copropriétaires du 31 mai 2010, il a été décidé qu’en cas de rénovation ou de remplacement les fenêtres seront en bois chêne ou bois exotique avec respect de la couleur initiale et que les volets en accordéon devront être en alu laqué et que la couleur RAL sera définie par le syndic ou le conseil syndical,

 

la Cour en conclut que la société a vendu au copropriétaire des persiennes en PVC dont ni la matière ni la teinte ne sont conformes à la décision prise en assemblée générale et que s’il est vrai que cette résolution est postérieure à la première commande de remplacement des fenêtres de l’appartement., elle est cependant intervenue antérieurement à la commande du 1er octobre 2010 relative aux jalousies.

 

La Cour ajoute que :

 

la société ne justifie nullement avoir interrogé son client sur l’existence de prescriptions du règlement de copropriété ou d’assemblées générales des copropriétaires relatives aux menuiseries extérieures alors qu’en tant que professionnelle elle ne pouvait ignorer qu’existent dans la grande majorité des copropriétés des règles destinées à préserver l’harmonie des façades d’un immeuble,

 

la société, professionnelle des menuiseries extérieures, devait conseiller utilement son client et donc se renseigner sur les règles applicables dans la copropriété au sein de laquelle l’appartement de son client est situé, ce qu’elle ne justifie pas avoir fait.

 

Estimant que le professionnel ne peut invoquer le fait que son client ne l’ait pas informée lors de la signature du second bon de commande, de la décision prise en assemblée générale, celle-ci a manqué à son obligation de conseil.

Delphine VISSOL

Vivaldi-Avocats

 

 

 

 

 

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