SOURCE : 3ème civ, 31 mai 2018, n° 17-16944, Inédit
Les dispositions de l’article L145-5 du Code de commerce permettent au bailleur et au preneur de locaux commerciaux de conclure un bail dérogeant aux dispositions d’ordre public du statut des baux commerciaux, « à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. » mais que « si, à l’expiration de cette durée, et au plus tard à l’issue d’un délai d’un mois à compter de l’échéance le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par les dispositions du présent chapitre. »
En conséquence, si l’une ou l’autre partie ne souhaite pas être liée par un bail commercial à l’issue de la durée contractuelle du bail dérogatoire, il lui incombe d’informer son cocontractant de la rupture des relations contractuelles au plus tard dans le mois suivant l’expiration de la durée du bail dérogatoire et éviter toute attitude ambigüe[1].
Le bailleur n’est toutefois pas tenu de requérir dans ce délai l’expulsion du preneur, de sorte qu’une inertie de quelques mois qu’elle soit ou non liée à des négociations portant sur la signature d’un nouveau bail[2] sera sans incidence pour le preneur qui ne pourra pas se prévaloir du statut des baux commerciaux.
Mais en toute hypothèse, le bailleur devra avoir clairement exprimé son opposition à la poursuite des relations contractuelles, soit en fin de bail dérogatoire soit, depuis la loi Pinel, dans le mois suivant son expiration.
Le bailleur négligeant pourra-t-il toutefois, comme dans l’espèce commentée, se prévaloir de la résiliation notifiée par le preneur en cours de bail dérogatoire pour lui dénier le bénéfice du statut des baux commerciaux ?
La Cour d’appel de NIMES y était favorable, et considérait que le preneur, dont l’administrateur judiciaire avait opté pour la résiliation du bail, ne pouvait légitimement se maintenir dans les lieux, de sorte que même à défaut d’opposition du bailleur, y compris à l’issue de la durée contractuelle du bail dérogatoire, le preneur ne pouvait prétendre à la propriété commerciale : il demeurait occupant sans droit ni titre.
L’arrêt est cassé par la Cour de cassation, qui rappelle aux juges nîmois que lorsque le preneur est laissé en possession des locaux sans opposition du bailleur à l’issue de la durée contractuelle du bail dérogatoire, il s’opère un nouveau bail régit par les dispositions statutaires. Il importe donc peu que le preneur ait sollicité la résiliation du bail dérogatoire : le bailleur rigoureux devra ainsi confirmer la résiliation et poursuivre l’expulsion. A défaut il sera lié par les dispositions statutaires.
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats
[1] 3ème civ, 10 janvier 1990, n°88-18734, Publié au bulletin
[2] 3ème civ, 5 juin 2013, 12-19.634, Publié au bulletin