Bail commercial, dénégation du droit au statut des baux commerciaux et procédure en fixation judiciaire du loyer de renouvellement ou de l’indemnité d’éviction

Alexandre BOULICAUT
Alexandre BOULICAUT - Juriste

Le défaut d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, s’appréciant à la date d’effet du congé ou de la demande en renouvellement, qui conditionne le droit du preneur au renouvellement du bail, peut être invoqué par le bailleur, même s’il en était informé à la date du congé, pendant toute la durée de la procédure en fixation du loyer du bail renouvelé ou en paiement d’une indemnité d’éviction.

SOURCE : Cass.civ 3ème, 20 avril 2023, n°22-12937, Inédit

I – Le principe de la dénégation du droit au statut des baux commerciaux

Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail commercial et le paiement corrélatif de l’indemnité d’éviction s’il établit que le locataire ne remplit pas les conditions du droit au renouvellement.

On identifie classiquement 3 conditions d’application du statut des baux commerciaux, et donc du droit au renouvellement :

  • Le preneur doit être propriétaire d’un fonds de commerce ou artisanal ;
  • Le preneur doit être immatriculé au RCS ou au Répertoire des Métiers, et pour l’activité effectivement exploitée ;
  • Le preneur doit avoir exploité de manière continue le fonds lors des 3 dernières années du bail.

Si l’une de ces conditions fait défaut, il suffit au bailleur de faire signifier un congé notifiant au preneur la dénégation du droit au renouvellement.

II – La date de la dénégation du statut

La dénégation au bénéfice du statut peut être soulevée par le bailleur à tout moment, même postérieurement à une offre de renouvellement ou d’indemnité d’éviction[1].

La dénégation peut être invoquée à tout moment de la procédure en fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé ou de l’indemnité d’éviction, jusqu’à ce qu’une décision définitive ait statué sur le renouvellement ou l’indemnité d’éviction[2].

III – L’arrêt commenté

Dans les faits, une SCI a donné à bail un local commercial cédé en cours de bail. Le nouveau propriétaire-bailleur a signifié aux locataires en place un congé avec offre de renouvellement.

Faute d’accord entre les parties sur le montant du loyer contenu dans le congé avec offre de renouvellement, le bailleur a notifié aux locataires un mémoire préalable à la saisine du juge des loyers commerciaux puis postérieurement à sa saisine, une dénégation du droit au statut des baux commerciaux pour défaut d’immatriculation au RCS.

Le bailleur a assigné les locataires en dénégation de leur droit au renouvellement, expulsion et paiement d’une indemnité d’occupation.

En cause d’appel, les locataires opposent la prescription de l’action en dénégation initiée par le bailleur.

Ne prospérant par devant les juges du fond, le contentieux est porté devant la Haute juridiction.

Nouvel échec pour le bailleur devant la Cour de cassation, qui rejette son argumentation au visa des articles L145-1 et L145-60 du Code de commerce, et dont la motivation de son arrêt est reprise littéralement comme suit :

« Il résulte de ces textes que le défaut d’immatriculation au registre du commerce, s’appréciant à la date d’effet du congé ou de la demande en renouvellement, qui conditionne le droit du preneur au renouvellement du bail, peut être invoqué par le bailleur, même s’il en était informé à la date du congé, pendant toute la durée de la procédure en fixation du loyer du bail renouvelé ou en paiement d’une indemnité d’éviction ».

Exit donc la prescription biennale de l’article L145-60 du Code de commerce.

En réalité, la décision commentée s’inscrit dans le droit fil de la jurisprudence de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, constante depuis 2017[3] ; d’où son caractère inédit.

Sous la menace constante de la dénégation du droit au statut, véritable épée de Damoclès planant au-dessus de sa tête, le locataire doit veiller scrupuleusement qu’il remplit effectivement toutes les conditions du droit au renouvellement lorsque se profile le terme contractuel du bail, et a minima avant toute demande de renouvellement ou congé délivré par le bailleur.


[1] En ce sens, Cass. civ 3ème, 5 mars 1971, n°69-12458, FS – PB ou encore Cass. civ 3ème, 31 mai 1978, n°77-1037, FS – PB

[2] Cass. civ 3ème, 7 septembre 2017, n°16-15012, FS – P+B+R+I : Le bailleur qui a offert le paiement d’une indemnité d’éviction après avoir exercé son droit d’option, peut dénier au locataire le droit au statut des baux commerciaux tant qu’une décision définitive n’a pas été rendue sur la fixation de l’indemnité d’éviction

[3] Cf Cass. civ 3ème, 7 septembre 2017, n°16-15012, FS – P+B+R+I 

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