Source : CConst, 24/06/2016, n°2016-546 QPC
L’article 1729 du CGI prévoit l’application de pénalités (40 ou 80%) en cas d’inexactitude ou d’omission dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ou la restitution d’une créance. Il s’agit d’une sanction fiscale.
L’article 1729 du CGI prévoit le délit de fraude fiscale et sa répression (amende et peine de prison). Il s’agit d’une sanction pénale.
Il est demandé au Conseil Constitutionnel de se prononcer sur la constitutionnalité de ces dispositions et de leur combinaison au regard de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 garantissant le principe de nécessité des délits et des peines et de proportionnalité des peines.
Le raisonnement du Conseil Constitutionnel procède en deux temps : il examine tout d’abord la constitutionnalité des textes pris isolément puis la constitutionalité de la combinaison de ces deux textes.
Concernant l’article 1729 du CGI pris isolément, le Conseil Constitutionnel juge que les taux de majoration ne sont pas manifestement disproportionnés. En conséquence, il estime que cette disposition est conforme à la Constitution.
Concernant l’article 1741 du CGI pris isolément, le Conseil Constitutionnel juge que dès lors que les sanctions (amendes et peines d’emprisonnement) sont prévues pour des contribuables qui se rendent coupables d’actes graves (dissimulation d’une façon frauduleuse, des sommes soumises à l’impôt), elles ne sont pas manifestement disproportionnées.
Il émet toutefois une réserve afin que l’application de cette disposition ne méconnaisse pas le principe de la nécessité des délits : un contribuable qui a été déchargé de l’impôt par une décision juridictionnelle devenue définitive pour un motif au fond ne peut être condamné pour fraude fiscale. On peut donc en conclure qu’une décharge prononcée pour un vice de forme ne pourrait faire échapper le contribuable aux poursuites pénales. Cela pourrait prêter à débat si la procédure a été annulée suite à la violation d’une garantie fondamentale du contribuable…
Concernant l’application combinée des articles 1729 et 1741 du CGI, le Conseil Constitutionnel rappelle tout d’abord les objectifs de ces deux dispositions :
l’article 1729 du CGI vise « à garantir la perception de la contribution commune et à préserver les intérêts financiers de l’Etat. Il assure le bon fonctionnement du système fiscale qui repose sur la sincérité et l’exactitude des déclarations souscrites par les contribuables »
l’article 1741 du CGI vise « à garantir l’accomplissement volontaire par les contribuables de leurs obligations fiscales. Les poursuites engagées sur le fondement de l’article 1741 ont un caractère public qui leur confère une exemplarité et une portée dissuasive supplémentaire pour l’ensemble des personnes susceptibles de manquer frauduleusement à leurs obligations fiscale ».
Les objectifs poursuivis par ces dispositions sont donc communs : assurer la protection des intérêts financiers de l’Etat.
Le Conseil d’Etat en déduit que le législateur peut valablement prévoir des procédures complémentaires dans le cas de fraudes les plus graves. La mise en œuvre des procédures distinctes conduisant à l’application de plusieurs sanctions permet ainsi d’assurer une répression effective.
Le Conseil Constitutionnel introduit néanmoins une réserve : les dispositions de l’article 1741 du CGI prévoyant des amendes et de peines d’emprisonnement ne doivent s’appliquer qu’aux cas les plus graves. Il précise que cette gravité est appréciée eu égard « au montant des droits fraudés, à la nature des agissements de la personne poursuivie ou aux circonstances de leur intervention ».
Le Conseil Constitutionnel rappelle enfin un principe bien connu pour que le cumul des sanctions soit conforme à la Constitution : le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne doit pas dépasser le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues.
C’est sous ces différentes réserves que le Conseil Constitutionnel estime le cumul des sanctions pénales et fiscales conformes à la Constitution
Caroline DEVE
Vivaldi-Avocats