L’autonomie de l’action ut singuli par rapport à celle de la société

Antoine DUMONT

Dans un arrêt du 7 mai 2025, la Cour de cassation affirme l’autonomie de l’action ut singuli : celle-ci n’est pas un droit d’action subsidiaire ouvert aux associés d’une société en cas de carence de celle-ci dans la défense de ses intérêts.

Source : Cass. Com., 7 mai 2025, 23-15.931, publié au bulletin

I – 

A la suite de différentes expertises ordonnées par le juge des référés, les associés d’une SARL forment assignation à l’encontre d’une ancienne gérante et d’une SCI dans laquelle cette dernière était associée.

Les associés en question se voient déclarer irrecevables par une cour d’appel en leur demande de condamnation fondée sur l’action ut singuli au motif que les associés ont agi pour le compte de la société en même temps que cette dernière et afin de solliciter l’indemnisation du même préjudice. La cour d’appel a en effet considéré que les associés ne justifiaient d’aucun intérêt à agir en réparation d’un préjudice déjà sollicité par la société victime.

On rappellera que l’action ut singuli permet à l’associé d’une société d’agir pour le compte de la société en réparation du préjudice commis par les dirigeants. Concernant les SARL, l’action ut singuli est prévue à l’alinéa 3 de l’article L223-22 du Code de commerce :

« Outre l’action en réparation du préjudice subi personnellement, les associés peuvent, soit individuellement, soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, intenter l’action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l’entier préjudice subi par la société à laquelle, le cas échéant, les dommages-intérêts sont alloués. »

En d’autres termes, la cour d’appel considérait que l’action ut singuli était subsidiaire et ouverte aux associés en cas de carence de la société pour agir dans la défense de ses intérêts. En l’espèce, la société avait également assigné.

La Cour de cassation ne suit pas le raisonnement de la cour d’appel et casse l’arrêt.

II –

Au visa de l’article du Code de commerce précité et de l’article 31 du Code de procédure civile, la Haute Cour fait de l’action ut singuli un droit propre à chaque associé d’une société : « les associés sont investis d’un droit propre d’agir en réparation du préjudice subi par la société, lequel n’est pas affecté par l’exercice concomitant de son action par la société. »

Le fait que la société elle-même agisse en réparation d’un préjudice qu’elle a subi n’est donc pas de nature à faire disparaitre le droit et l’intérêt à agir de chaque associé de défendre les intérêts de la société.

L’inaction de la société ne subordonne donc pas l’action ut singuli et n’est pas un prérequis, elle est un droit autonome de chaque associé.

Cette clarification va à l’encontre de la conception selon laquelle l’action ut singuli présentait un caractère subsidiaire[1] mais permettra d’accroître la protection des associés, ceux-ci n’étant pas à l’abri par exemple d’un mauvais exercice du droit d’action de la société.


[1] Cass. Com. 27 mai 2021, 19-17.568

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