A partir du 1er janvier 2027, l’Autorité des Marchés Financiers interdira la perception de commissions de mouvement dans le cadre de la gestion sous mandat. Cette interdiction, qui passe par une modification du règlement général de l’AMF, risque fort d’avoir un impact sur le modèle de rémunération des sociétés de gestion.
I – Le mandat sous gestion
La fourniture d’un service de gestion de portefeuille pour le compte de tiers, autrement appelé mandat sous gestion, permet à un client, le mandant, de donner pouvoir à un gérant, le mandataire, de gérer un portefeuille d’un ou plusieurs instruments financiers en prenant en compte certains paramètres relatifs au mandant tels que ses objectifs d’investissement, sa tolérance au risque, ses connaissances, son expérience, sa situation financière… Selon l’AMF, le mandat de gestion doit notamment mentionner :
- L’objectif de gestion : le mandataire le définit en prenant en compte l’horizon de placement, la tolérance au risque du client ou encore si situation financière. Il définit également un profil rendement/risque recherché et une stratégie d’investissement qui indique l’allocation par classe d’actifs avec un éventuel plancher ou plafond pour celles-ci ;
- Les instruments financiers autorisés dans le portefeuille : les catégories d’instruments financiers autorisées par l’AMF sont les instruments financiers négociés sur un marché réglementé (les actions), les placements collectifs (fonds d’investissement ou SICAV) et les contrats financiers négociés sur un marché figurant sur une liste fixée par arrêté ministériel (instruments financiers à terme). Le mandat peut toutefois autoriser des opérations portant sur des instruments financiers non autorisés par l’AMF ou à effet de levier mais l’accord exprès du mandant est requis ;
- Les modalités d’information du client sur la gestion du portefeuille : le mandat précise l’ensemble des coûts de gestion, le mandataire doit communiquer un récapitulatif de l’ensemble des coûts ayant impacté la performance du portefeuille mais également un relevé des activités de gestion exercées pour son compte, en principe de manière trimestrielle (pour les opérations à effet de levier ce relevé est adressé mensuellement), de plus, depuis le 3 janvier 2018, le mandant doit être informé en cas de baisse de 10 % de la valeur du portefeuille depuis le dernier relevé ;
- Les modalités de reconduction et de résiliation du mandat : le mandat de gestion peut être résilié à tout moment par l’une des parties.
II – L’interdiction des commissions de mouvement
Selon la définition donnée par l’AMF, « Les commissions de mouvement désignent les frais perçus par le gérant ou des parties liées à l’occasion d’opérations d’achat ou de vente portant sur le portefeuille d’un placement collectif ou d’un mandat de gestion ».
Ces frais de mouvement créent nécessairement des situations de conflit d’intérêts puisque le mandataire percevra une rémunération accrue du fait d’un nombre important d’opérations qu’il aura initié, ainsi se pose la question du bien-fondé de telle ou telle opération qui pourrait avoir été décidée par le mandataire sans tenir compte de l’intérêt de son mandant. En outre, les commissions de mouvement ont un impact sur la rentabilité du portefeuille ou la performance du fonds.
En 2022, les commissions de mouvement ont été interdites pour la gestion collective (OPCVM et FIA) et en 2023 pour les mandats d’arbitrage en unités de compte dans le cadre de contrats d’assurance-vie, ces deux interdictions seront applicables au 1er janvier 2026.
L’AMF étend donc l’interdiction de perception de commissions de mouvement à la gestion sous mandat, cette interdiction sera applicable :
- A partir du 1er janvier 2027 pour les mandats de gestion conclus à partir de cette date,
- A partir du 1er janvier 2028 pour les mandats de gestion conclus avant le 1er janvier 2027.
III – Pour aller plus loin
La Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers a eu à trancher de nombreux contentieux relatifs à des abus dans la perception de commissions de mouvement, on pense ici notamment à la décision SAN-2019-18 du 20 décembre 2019 qui relevait un taux de rotation particulièrement élevé entraînant un taux de frais courants de 9,48 % dont 4,8 % de frais de transaction.
Le Conseil d’Etat aussi se retrouvait régulièrement face à des litiges relatifs à un taux de rotation élevé entraînant la perception d’importantes commissions de mouvement : on pense ici à la décision SAN-2020-14 du 18 décembre 2020 par laquelle la Commission avait initialement écarté le grief relatif à l’application d’un taux de rotation élevé mais que le Conseil d’Etat a réformé le 24 mai 2023[1] « en ce qu’elle a écarté le grief tiré de ce que la société Skylar France aurait privilégié son intérêt au détriment de celui des fonds qu’elle gérait et de ses clients en gestion sous mandat ainsi que le grief tiré du défaut de mention de l’application d’un taux de rotation élevé des portefeuilles dans les prospectus des fonds ».
Il sera toujours possible de percevoir une rémunération de cette nature en échange de la fourniture d’un service de tenue de compte conservation qui, on le rappelle, consiste à inscrire dans un compte-titres les titres financiers au nom de leur titulaire et à conserver les avoirs correspondants[2].
Cette interdiction risque d’avoir un réel impact sur les sociétés de gestion dont les commissions de mouvement constituaient bien souvent une source de revenus non négligeable.
Le risque lié à cette interdiction consiste en un report du manque à gagner par une augmentation d’autres sources de rémunération liées au mandat sous gestion. Cependant, l’AMF indique d’ores et déjà une mise à jour prochaine de sa doctrine « notamment afin d’éviter un report des conflits d’intérêts liés à ce mode de rémunérations sur d’autres prestations fournies au mandant ».
A n’en pas douter, les sociétés de gestion seront à l’affut de cette mise à jour afin de repenser leur système de commissionnement lié au mandat sous gestion.
[1] Conseil d’Etat, 24 mai 2023, n°449983
[2] Article 322-3 Règlement général de l’AMF