L’absence de faute pénale non intentionnelle peut exclure la faute inexcusable de l’employeur.

Judith Ozuch
Judith Ozuch

Source : Cour de cassation, 2ème Chambre civile, 1 décembre 2022 n° 21-10.773 F-B

La Cour de cassation revient au principe de l’autorité de la chose jugée du pénal sur le civil en matière de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur en l’absence de faute pénale non intentionnelle.

La faute inexcusable de l’employeur est caractérisée lorsque l’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour préserver le salarié de la survenance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors même qu’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé.

La faute inexcusable de l’employeur peut constituer une infraction pénale, susceptible comme telle de fonder des poursuites devant le juge répressif. Le législateur était toutefois intervenu pour limiter la portée de la décision du juge pénal sur le contentieux de la faute inexcusable. Ainsi, l’article 4-1 du Code de procédure pénale[1] dispose que :

« L’absence de faute pénale non intentionnelle au sens de l’article 121-3 du code pénal ne fait pas obstacle à l’exercice d’une action devant les juridictions civiles afin d’obtenir la réparation d’un dommage sur le fondement de l’article 1241 du code civil si l’existence de la faute civile prévue par cet article est établie ou en application de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale si l’existence de la faute inexcusable prévue par cet article est établie ».  

Cela permet à la victime d’engager une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur alors même que ce dernier a été relaxé des fins de la poursuite pénale dont il a fait l’objet[2].

Toutefois, cette disposition ne fait pas obstacle à l’application du principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil qui interdit au juge civil de remettre en cause ce qui a été définitivement jugé par la juridiction pénale statuant sur le fond de l’action publique[3].

Au visa du principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, et des articles 4-1 du code de procédure pénale et L. 452-1 du code de la sécurité sociale, la Cour de cassation rappelle que  l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil reste attachée à ce qui a été définitivement décidé par le juge pénal sur l’existence du fait qui forme la base commune de l’action civile et de l’action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité ou l’innocence de celui à qui le fait est imputé.

La Cour de cassation sanctionne la décision des juges du fond qui avaient retenu la faute inexcusable de l’employeur alors que la juridiction pénale avait relaxé ce dernier aux motifs que les causes du fait à l’origine de l’accident étaient indéterminées et qu’il y avait lieu d’écarter tout manquement aux règles de sécurité lié à l’absence de dispositif approprié sur la vanne en cause dans la genèse de l’accident.

Ainsi, si le juge civil peut, en l’absence de faute pénale non intentionnelle, retenir une faute inexcusable, l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil reste attachée à ce qui a été définitivement jugé par le juge pénal sur l’existence du fait qui forme la base commune aux deux actions, sa qualification et la culpabilité ou l’innocence de celui à qui le fait est imputé. Dès lors que le juge pénal a écarté un manquement aux règles de sécurité, le juge civil ne peut pas retenir la faute inexcusable.


 

[2] Cass. soc. 12-7-2001 n° 99-18.375 et Cass. soc. 28-3-2002 n° 00-11.627 et Cass. 2e civ. 16-9-2003 n° 01-16.715

[3] Cass. 2e civ. 12-2-2015 n° 14-10.455 et Cass. 2e civ. 30-6-2016 n° 14-25.070

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