Clause de non concurrence du salarié

Equipe VIVALDI
Equipe VIVALDI

  

Sources : Cass. soc., 20 nov. 2013, n° 12-20.074

 

La contestation de la validité de la clause de non concurrence est devenue l’un des « marronniers » des contentieux prudhommaux. Et à cet égard il faut admettre que l’enchainement insolent des « victoires » des salariés qui profitent d’une jurisprudence qui n’a fait que multiplier les conditions nécessaires à la validité de la clause ont généré une certaine forme d’indiscipline encouragée par un sentiment d’impunité.

 

L’arrêt qui vient d’être rendu par la chambre sociale avec les honneurs de la publication au bulletin est donc remarquable à double titre :

 

– Il marque enfin une rupture avec un enchainement de décisions qui ont toutes permis aux salariés de ne pas exécuter la clause de non concurrence pourtant contractuellement acceptée ;

 

– mais dans une situation où le droit civil ( duquel le droit social a de plus en plus tendance à prendre son autonomie) aurait ( peut être) permis au salarié de se dégager de ses obligations

 

Après un bref rappel de l’état du droit applicable à la clause de non concurrence (I) vivaldi-chronos examinera le caractère novateur de cette décision (II)

 

I – L’état de la jurisprudence

 

La Jurisprudence a apporté depuis plusieurs années de nombreuses précisions sur les conditions de validité et d’utilisation d’une telle clause, qui ne doit pas entraver la liberté de travailler du salarié.

 

Ainsi, peu importe l’existence ou non d’une convention collective, une clause de non-concurrence n’est licite que si, cumulativement :

 

1/  

elle est inscrite dans le contrat de travail ou fait l’objet d’un avenant approuvé le salarié ;

   

 

2/   elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise ;
     
3/   elle est limitée dans le temps et dans l’espace ;
     
4/   elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié ;
     
5/   elle comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière qui ne doit pas être dérisoire.qui ne peut être versée qu’après la rupture du contrat ;
     
6/   elle fixe le délai raisonnable imparti à l’employeur pour renoncer à l’application de la clause. A défaut d’une telle mention, l’employeur doit prendre position au jour de la notification du licenciement.
     
7/   la validité de la clause de non-concurrence s’apprécie à la date de sa conclusion, de sorte que l’accord ou la convention collective intervenant après la signature du contrat, ne couvre pas nullité qui affecte la clause ;
     
8/   Le contrat de travail ne peut contenir une clause de non-concurrence prévoyant des dispositions plus contraignantes pour le salarié, sous peine de nullité de la clause.

 

Lorsqu’un accord collectif ou une convention collective réglemente la clause de non-concurrence :

 

II-La nouveauté : une clause de non concurrence opposable au salarié s’impose à lui-même si elle n’est pas payée.

 

L’affaire commentée concerne un salarié engagé en avril 2003 en qualité d’ingénieur commercial, dont le contrat de travail comportait une clause de non-concurrence lui interdisant de travailler en cette qualité pour une entreprise concurrente pendant une durée d’un an. Après avoir démissionné le 7 septembre 2009, son employeur d’alors lui a rappelé son obligation de non-concurrence le 17 septembre. Dispensé de son préavis à compter du 23 octobre, le salarié a été engagé le 2 novembre en qualité de directeur France par une société directement concurrente de celle qu’il venait de quitter. Après l’avoir avisé le 5 novembre de la « suspension » du paiement de l’indemnité contractuelle en raison de l’inexécution de ses obligations, cette dernière a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir, notamment, le paiement d’une indemnité pour violation de la clause de non-concurrence.

 

La cour d’appel a fait droit à sa demande. Le salarié a alors formé un pourvoi en cassation.

 

En premier lieu, la Haute juridiction a confirmé que la clause litigieuse n’avait pas pour effet d’empêcher le salarié d’exercer une activité conforme à sa formation et à son expérience, se basant sur les constatations de la cour d’appel, « qui a examiné les nouvelles fonctions exercées par l’intéressé, sans s’arrêter à leur dénomination ni étendre le champ d’application de la clause au-delà de ses prévisions, a relevé qu’elles étaient de même nature et correspondaient à celles exercées par le salarié à titre d’ingénieur commercial ». Les juges du fond ont par ailleurs constaté que le salarié « disposait d’une expérience professionnelle et d’une formation qui ne le limitaient pas au secteur de l’informatique des laboratoires médicaux ».

 

En second lieu, la Cour de cassation a estimé que :

 

« la cour d’appel, qui a constaté qu’il ne s’était écoulé que quelques jours entre le départ du salarié de l’entreprise, à la suite de la dispense d’exécution du préavis, et la décision de l’employeur de ne pas verser la contrepartie financière, a pu en déduire que ce délai ne suffisait pas à libérer le salarié de son obligation, qu’il avait aussitôt méconnue en passant au service d’une entreprise concurrente ».

 

Ainsi, il ne saurait se déduire de l’abstention de l’employeur de payer la contrepartie financière de la clause de non-concurrence dès le 31 octobre, alors que le salarié avait quitté l’entreprise le 23, la volonté de le libérer de son obligation de non-concurrence ; pas plus, cette abstention de quelques jours ne constitue un manquement d’une gravité suffisante pour autoriser le salarié à se considérer comme délié ou dispensé de son obligation.

 

A l’aide de cette décision l’employeur peut suspendre le paiement de l’indemnité compensatrice de non concurrence et en même temps exiger que le salarié exécute son obligation de non concurrence.

 

Logique ?, pas si sûr. L’exception d’inexécution sur laquelle s’appuie la décision commentée est essentiellement une notion prétorienne qui fait l’objet d’une application diverse et donc divergente selon le domaine du droit traité. Ainsi par exemple, la chambre commerciale de la cour de cassation sanctionne-t-elle régulièrement par la résiliation du bail, l’aventureux preneur à bail commercial qui a cessé le paiement des loyers au motif que son bailleur ne remplirait pas ses propres obligations [1] .La chambre sociale aurait donc pu avec la même logique imposer à l’ancien employeur le règlement préalable des indemnités avant de pouvoir se retourner contre son salarié.[2]

 

Est-ce un retour à un plus juste équilibre entre employeur et salarié ? Vraisemblablement, juste un rayon de soleil, pour les patrons en ce début de période hivernal.

 

Vivaldi-avocats

 


[1] Sauf si le bien donné à bail est devenu totalement impropre à sa destination

[2] Attention : l’employeur ne doit quand même pas trop tarder à régler la première mensualité. A défaut le salarié sous le fondement de cette même exception d’inexécution pourrait justifier l’acceptation d’un travail dans une activité concurrente .En d’autre termes payez l’indemnité et le plus rapidement possible jusqu’à ce que vous ayez la preuve d’une activité concurrente

 

 

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