Un protocole d’accord prévoit une cession de parts sociales conclue entre deux personnes physiques, au terme de laquelle le prix de cession est versée à une tierce personne (morale). Ledit protocole est finalement annulé, la question posée à la Cour est de déterminer qui doit être condamné à restituer le prix d’ores et déjà payé…
SOURCE : Cour de cassation, Chambre commerciale, 25 mai 2022, n° 19-24.770.
Dans cette nouvelle affaire, deux sociétés et deux associés :
- L’une, exploitant un salon de coiffure parisien, est gérée par son associé unique (ci-après « L’associé parisien »).
- L’autre, de droit anglais, est constituée en vue de l’exploitation d’un salon de coiffure londonien, avec l’associé parisien et un second associé (ci-après « L’associé Londonien »), détenant le capital à parts égales.
Les deux protagonistes ont conclu un protocole d’accord au terme duquel l’associé parisien s’engageait à céder la moitié du capital de la société parisienne à son collègue londonien en contrepartie d’un investissement important (145.000 €) effectué par celui-ci dans la société londonienne.
Si vous avez suivi jusque-là, vous apercevrez d’ores et déjà la problématique pouvant apparaitre lorsque l’associé parisien refuse finalement de céder la moitié des parts conformément à leurs accords, alors que l’associé londonien a d’ores et déjà versé la somme à la société londonienne.
L’associé londonien assigne son partenaire en résolution du protocole, et en restitution du prix qu’il a inutilement versé.
Les premiers juges actent de ladite résolution, aux torts de l’associé parisien. Ils le condamnent personnellement au remboursement de la somme réclamée par son partenaire, outre le versement d’intérêts, au titre de la restitution du prix.
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La question s’est posée dans ce contexte, de déterminer qui est véritablement redevable de la restitution de ce prix ?
Concrètement, c’est la société londonienne qui a perçu la somme litigieuse, et non l’associé personnellement, mais c’est pourtant lui qui devrait restituer les fonds réclamés ?
Le demandeur au pourvoi, faisait valoir que l’effet rétroactif attaché à la résolution du contrat exige que les parties soient remises dans l’état qui était le leur avant conclusion de celui-ci. En condamnant l’associé parisien a restituer une somme qu’il n’a pas perçu, les juges dénaturent les termes du protocole de cession de titres. En d’autres termes, en cas de résolution d’une vente, seul celui qui a reçu le prix devrait le restituer à l’acquéreur.
Toutefois, c’est en des termes radicalement opposés que s’est positionnée la Cour de cassation, qui considère qu’en réalité, peu importe qui a perçu le prix de cession :
« Seul le cédant, envers lequel le cessionnaire a contracté l’obligation de paiement du prix, est tenu de le restituer à celui-ci en cas de résolution de la cession, peu important que le prix ait été versé à un tiers conformément à la volonté commune des parties ».
Les juges considèrent que certes l’associé londonien s’est engagé auprès de l’associé parisien, à apporter 145.000 € à la société londonienne, permettant réalisation de travaux en vue de l’exploitation d’un salon de coiffure, mais en contrepartie de la cession des parts sociales constituant la moitié des parts sociales de la société parisienne.
Les juges considèrent que certes l’associé londonien s’est engagé auprès de l’associé parisien, à apporter 145.000 € à la société londonienne, permettant réalisation de travaux en vue de l’exploitation d’un salon de coiffure, mais en contrepartie de la cession des parts sociales constituant la moitié des parts sociales de la société parisienne.
Ainsi, le prix de la cession des parts était fixé à 145 000 Euros, même si versé à un tiers, personne morale (la société londonienne). Son obligation a bien été exécutée, puisqu’il a versé la somme convenue. Pour autant, il n’a jamais reçu les parts sociales promises.
Aujourd’hui, son cocontractant tente de faire valoir que ce serait à la société londonienne de restituer la somme versée, mais pourtant que nenni !
Peu importe la tierce personne (physique ou morale) qui a perçu le prix, le protocole était conclu entre deux personnes physiques, le cédant et le cessionnaire, l’un a respecté ses obligations, alors que l’autre non.
La partie défaillante doit donc restituer la somme versée par l’autre.
« De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d’appel, qui n’a pas dénaturé le protocole, lequel ne comporte aucune disposition relative aux conséquences d’une éventuelle résolution, a pu déduire que la résolution de la vente emportant anéantissement rétroactif du contrat et remise des choses en leur état antérieur, M. [X] devait être condamné à payer à M. [Y] la somme de 145 000 euros à titre de restitution du prix.
9. Le moyen n’est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ; »
Le cédant, qui n’a pourtant pas perçu le prix de la cession, est donc condamné à rembourser le cessionnaire pour avoir finalement refusé la cession des parts sociales dans la société parisienne.
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