Recours personnel de la caution et exception inhérente à la dette, le cas du coemprunteur

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

Le coemprunteur qui ne subit pas la déchéance du terme ne peut s’en prévaloir auprès de la caution qui a payé en ses lieu et place.

Source : Cass.Civ1., 25 mai 2022, n°20-21488, n°421 B

Une banque consent un prêt à deux coemprunteurs et obtient pour garantie le cautionnement d’un tiers. En présence d’impayés, la banque mettra en demeure un des emprunteurs et prononcera la déchéance du terme.

L’autre coemprunteur bénéficie quant à lui d’une ordonnance lui accordant un moratoire de 12 mois.

Ce sera la caution qui réglera les sommes dues de sorte qu’elle assigne les emprunteurs en paiement des sommes versées.

Si l’action est déclarée irrecevable par les juges du fond, elle fera l’objet d’un pourvoi.

La Cour d’appel estime en effet que la demande de la caution à l’encontre de Mme était irrecevable aux motifs que la caution étant subrogée dans les droits de la banque, ne peut avoir plus de droits que cette dernière, et “qu’ainsi, l’absence de déchéance du terme lui est opposable.

La Cour de cassation n’approuvera pas ce raisonnement et estimera que :

« Vu les articles 2305, 2307 et 2308, alinéa 2, du Code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 :

7. Selon le premier de ces textes, la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal.

8. Selon le deuxième, lorsqu’il y a plusieurs débiteurs principaux solidaires d’une même dette, la caution qui les a tous cautionnés a, contre chacun d’eux, le recours pour la répétition du total de ce qu’elle a payé.

9. Il résulte du troisième que, si un débiteur peut faire valoir à sa caution qu’il aurait eu des moyens pour faire déclarer sa dette éteinte avant qu’elle ne paye le créancier en ses lieu et place, ce débiteur ne peut toutefois pas se prévaloir de l’absence de déchéance du terme de sa dette, celle-ci n’étant pas une cause d’extinction de ses obligations.

10. Il s’en déduit que l’absence de déchéance du terme à l’égard de l’un des débiteurs solidaires ne prive pas la caution de son droit d’exercer à son encontre son recours personnel.

11. Pour déclarer l’action de la caution contre Mme [S] irrecevable après avoir relevé qu’au moment de la délivrance des mises en demeure à M. [W], Mme [S] bénéficiait d’une mesure de suspension de ses obligations résultant des deux prêts pour une durée de douze mois notifiée à la banque le 4 octobre 2016, l’arrêt retient qu’aucune déchéance du terme ne pouvait être prononcée à son encontre avant le 4 octobre 2017, de sorte que la caution, subrogée dans les droits de la banque, ne pouvait avoir plus de droits que cette dernière.

12. En statuant ainsi, alors que la caution exerçait son recours personnel, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE »

Il résulte de cette décision que le débiteur ne peut se prévaloir de l’absence de déchéance du terme de sa dette en ne mettant pas fin à ses obligations de sorte que la caution peut exercer un recours personnel contre le coemprunteur n’ayant pas subi la déchéance.

Jacques-Eric MARTINOT

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