Pratique notariale et saisie immobilière : l’apport de la loi du 23 mars 2019.

Frédéric VAUVILLÉ
Frédéric VAUVILLÉ

SOURCE : loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice

 

L’article 14 de la loi nouvelle modifie d’abord la donne sur la question de savoir si une vente amiable en dehors du juge est possible en cas de commandement de saisie.

 

L’article L. 322-1 du CPCE est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d’accord entre le débiteur, le créancier poursuivant, les créanciers inscrits sur l’immeuble saisi à la date de la publication du commandement de payer valant saisie, les créanciers inscrits sur l’immeuble avant la publication du titre de vente et qui sont intervenus dans la procédure ainsi que le créancier mentionné au 1° bis de l’article 2374 du code civil, ils peuvent également être vendus de gré à gré après l’orientation en vente forcée et jusqu’à l’ouverture des enchères ».

 

Il a été expliqué qu’il résultait de l’article L. 322-1 du CPCE, tel qu’interprété par la Cour de cassation (2e Civ., 9 avril 2015, pourvoi n° 14-16.878, Bull. 2015, II, n° 96), que le jugement d’orientation qui ordonnait la vente forcée de l’immeuble saisi interdisait de procéder à la vente du bien selon une autre modalité que celle ainsi prévue.

 

Selon la circulaire du ministère de la justice, « l’article 14, 3°, de la loi autorise désormais la vente de gré à gré de l’immeuble après que la vente forcée de l’immeuble a été ordonnée par le juge et tant que les enchères ne sont pas ouvertes. Afin de préserver les intérêts de toutes les parties et de garantir que la vente du bien s’effectue à un juste prix, la vente de gré à gré n’est possible qu’en cas d’accord entre le débiteur et ses créanciers autres que ceux mentionnés à l’article 2275 du code civil ».

 

Deux interrogations viennent à l’esprit :

 

Quid en cas d’accord avant que la vente forcée soit ordonnée ? La vente amiable avec l’accord des créanciers devrait évidemment rester possible. On ne comprendrait pas que cet accord ne permette pas de « sortir » de la procédure alors que celle-ci est moins avancée.

 

Quid du prix ? La loi n’en parle pas mais l’on imagine que l’accord des créanciers vaudra aussi pour la répartition du prix ; tel créancier sera d’accord pour vendre mais moyennant la remise de la somme de tant, si bien que la vente amiable s’accompagnera d’une répartition tout aussi amiable.

 

Cette méthode pourra poser difficulté en cas de vente d’un lot de copropriété. En effet, le texte vise l’accord du créancier mentionné au 1° bis de l’article 2374 du code civil, c’est-à-dire le syndic de copropriété. Il y a là une bizarrerie : ce créancier n’est privilégié que s’il fait opposition suite à la vente, mais il subordonnera son accord au paiement des charges qui lui sont dues ; comment alors expliquer aux autres créanciers qu’il sera payé en premier alors qu’il n’a pas encore fait opposition et n’est donc pas pour l’instant créancier privilégié de 1er rang ?

 

Seconde innovation dans l’hypothèse spécifique de la vente amiable autorisée par le juge. Il est bien expliqué dans la circulaire précitée que « dans sa rédaction antérieure à la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, l’article L. 322-4 du CPCE prévoyait qu’en cas de vente amiable sur autorisation judiciaire, « l’acte notarié de vente n’est établi que sur consignation du prix et des frais de la vente auprès de la Caisse des dépôts et consignations et justification du paiement des frais taxés ». Il imposait donc la consignation des frais de la vente c’est-à-dire des droits d’enregistrement, de la contribution de sécurité immobilière, des honoraires de la vente, de la taxe sur la valeur ajoutée due sur ces honoraires et des débours (qui incluent notamment le coût de l’état hypothécaire). Cette obligation n’était pas cohérente avec l’article L. 322-14 du CPCE, commun à la vente amiable sur autorisation judiciaire et à la vente par adjudication, qui ne prévoit pas la consignation des frais de la vente mais leur paiement ».

 

Désormais, l’acte notarié de vente ne sera « établi que sur consignation du prix auprès de la Caisse des dépôts et consignations et justification du paiement des frais de la vente et des frais taxés ». L’obligation de paiement des frais de la vente est maintenue, mais ils ne seront plus consignés à la Caisse des dépôts et consignations, ce qui permettra leur versement à leurs bénéficiaires.

 

On notera que ces dispositions sont d’application immédiate, dès le lendemain de la publication de la loi. La circulaire précise à cet égard que « la vente de gré à gré des immeubles saisis sera autorisée après qu’un jugement d’orientation aura ordonné la vente forcée de l’immeuble saisi tant que les enchères ne seront pas ouvertes, à condition que le débiteur et ses créanciers autres que ceux mentionnés à l’article 2275 du code civil aient donné leur accord ; il appartiendra au notaire chargé de la vente de s’assurer de cet accord ; cette disposition s’applique à tous les immeubles pour lesquels les enchères n’ont pas encore été ouvertes ; elle ne s’applique donc pas en cas de surenchère ou de réitération des enchères ».

 

S’agissant des règles de la consignation en cas de vente amiable sur autorisation judiciaire, la circulaire précise que ces nouvelles dispositions s’appliqueront aux procédures en cours.

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