La rentabilité d’une opération garantie ne peut servir d’indicateur à l’appréciation de la proportionnalité de l’engagement de caution.

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

 

SOURCE : Cass. com., 22 septembre 2015, n°14-22913

 

Bien connu par l’opinion publique, l’acte de cautionnement est loin d’être un acte anodin. Acte tripartite, il est régi par des dispositions légales bien précises.

 

Le créancier demande souvent à son débiteur une garantie qui prend la forme d’un cautionnement. Ainsi, la caution s’engage à remplir l’obligation du débiteur principal en cas de défaillance.

 

Pour ces raisons, l’engagement doit non seulement être explicite et conscient (ce qui explique le formalisme important) mais il doit bien évidemment ne pas être forcé ou faussé par une méconnaissance des enjeux financiers, économiques ou encore juridiques.

 

Le créancier a donc un devoir d’information envers la caution. Il doit rappeler annuellement (avant le 31 mars) le montant de la somme garantie et le terme de l’engagement.

 

En cas d’incident de paiement, le créancier pourra se retourner contre la caution dès que la dette sera exigible.

 

Cependant, le contentieux autour de l’engagement des cautions est nourri et notamment sur la disproportion de l’engagement de caution.

 

Si l’acte de cautionnement doit être fait de manière consciente, le devoir d’information du créancier implique que la caution ne doit pas s’engager de manière disproportionnée.

 

La Chambre commerciale de la Cour de cassation vient apporter une précision supplémentaire dans l’appréciation de la proportionnalité de l’engagement.

 

En garantie de prêts, le dirigeant de deux sociétés s’est rendu caution solidaire envers la Banque. Les sociétés ont par la suite été placées en redressement puis liquidation judiciaire ce qui entraina l’exigibilité de la dette.

 

La Banque a assigné la caution en exécution de ses engagements mais cette dernière a argué devant la Cour de la disproportion desdits actes.

 

La Cour d’appel de Limoges a condamné la caution, uniquement sur le premier prêt, en estimant que l’endettement ne paraissait pas manifestement disproportionné compte tenu du succès escompté de l’opération commerciale financée et garantie.

 

Le Cour d’appel retiendra l’argumentation de la caution sur le second prêt et considérera l’engagement de caution disproportionné.

 

La Cour de cassation va censurer l’arrêt d’appel au visa de l’article L341-4 du Code de la consommation[1] et énonce « Qu’en statuant ainsi, alors que la proportionnalité de l’engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l’opération garantie, la cour d’appel a violé le texte susvisé » et ajoute pour le second prêt « Qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la caisse qui se prévalait de la détention par la caution de diverses participations dans des sociétés, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. »

 

Ainsi, la proportionnalité de l’engagement de cautionnement ne pourra être observé sous le regard de la réussite de l’opération garantie.

 

La proportionnalité s’inscrit uniquement dans la référence aux biens et revenus de la caution ainsi que dans tout engagement financier que cette dernière pourrait avoir.

 

La Haute Cour poursuit et confirme le raisonnement déjà tenu le 4 juin 2013 dans deux arrêts (n°12-18216) de la Chambre commerciale ou l’arrêt d’appel avait été cassé sur le fondement du Code de la consommation.

 

Encore, la Cour a rendu un arrêt le 15 janvier 2015 qui précise « la disproportion doit être appréciée au regard de l’endettement global de la caution, y compris résultant d’engagements de caution [2]»

 

L’engagement de caution constitue une dette dans le patrimoine de la caution. Il est ainsi étonnant que l’appréciation du patrimoine ne puisse pas être retenue comme un concept dynamique puisque les perspectives d’évolution offrent au créancier, averti de l’opération financé, une garantie supplémentaire dans le recouvrement de sa créance.

 

Le rapprochement de la Chambre commerciale et de la Chambre civile[3] est désormais établi.

 

Le patrimoine de la caution ne saura être considéré comme une conception dynamique. La Cour apprécie la disproportion dans un premier temps, au jour de l’engagement de la caution sur ses biens et revenus et dans un second temps, lors de l’appel de la caution.

 

La Cour adopte une solution protectrice pour la caution mais le raisonnement demeure compréhensible en ce qu’il prévient le contentieux d’une complexité évidente. Enfin, en cas de disproportion initiale de l’acte de cautionnement, la caution perdra inévitablement ce recours en cas de succès de l’opération financière de l’opération garantie, gage d’insécurité permanente pour qui se porte garantie.

 

Jacques Eric MARTINOT

Vivaldi-Avocats

 


[1] Article L341-4 du Code de la consommation : Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

[2] Cass.civ1., 15 janvier 2015 n° 13-23489

[3] Cass.civ1., 3 juin 2015 n°14-13126

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