La promesse synallagmatique de vente et d’achat ne vaut pas toujours vente.

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : Cass.com., 25 septembre 2012, n°11-24524, Inédit

 

En principe, la promesse de vente vaut vente, dès lors que les parties sont d’accord sur la chose et sur le prix[1]. Toutefois, il arrive que les parties entendent faire de la réitération de la vente par acte authentique une condition essentielle de la formation du contrat définitif et retardent jusque-là le transfert de propriété. Les juges du fond, interprétant la volonté des parties, ont pu considérer dans le cadre de certains litiges que la signature de l’acte devant notaire constitue un élément constitutif du consentement des parties, c’est-à-dire une condition de validité de leur engagement. En conséquence, le transfert de propriété ne s’opère qu’en présence du notaire.

 

Cette position de principe a été approuvée par la 3ème chambre civile de la Cour de cassation, qui a cependant contrôlé son application en censurant toute décision retardant le transfert de propriété, alors que les stipulations de l’acte et les circonstances de la cause ne conduisaient pas à cette conséquence[2].

 

La Chambre commerciale de la Cour de cassation fut également saisie de cette question, à l’occasion d’une affaire dans laquelle une promesse synallagmatique portant sur la cession d’un fonds de commerce contenait une clause selon laquelle la cession devrait être réitérée par acte notarié. Le promettant avait ensuite conclu une seconde promesse synallagmatique avec un tiers, suivie de la vente.

 

Le bénéficiaire évincé avait alors assigné le promettant en réitération de la vente devant notaire, sous astreinte.

 

La Cour d’appel de Nancy n’a pas fait droit à sa demande, les juges du fond relevant que les parties ont subordonné l’existence du contrat de vente à la signature d’un acte authentique et en conséquence, que l’acte n’a pas opéré transfert de propriété. Dès lors, le bénéficiaire devait être débouté de sa demande tendant à se voir reconnaître propriétaire du fonds, et n’était fondé qu’à solliciter des dommages et intérêts pour violation des obligations contractuelles.

 

La Chambre commerciale partage cette position, se référant à l’interprétation de la promesse opérée par la Cour d’appel. A l’instar de la 3ème chambre civile, la Chambre commerciale approuve ainsi la décision des juges du fond d’avoir considéré que la promesse de vente ne valait pas vente parfaite au jour de la signature.

 

L’acquéreur était-il pour autant complètement démuni ? Une réponse négative s’impose. En effet, il est courant que ce type de convention contienne une date butoir pour la réitération de la vente sous forme authentique, de sorte que face à l’inaction du vendeur, l’acquéreur doit-il sommer le vendeur de se présenter devant notaire aux date et heure qu’il fixe, à charge pour le notaire de dresser procès verbal de carence si le vendeur persiste dans son inertie.

 

Muni de ce sésame, il appartient au vendeur d’assigner suivant la nature du contrat la juridiction civile ou commerciale dans le cadre d’une procédure respectivement appelée assignation à jour fixe ou procédure à bref délai.

 

S’il s’agit d’un immeuble, l’acquéreur prendra soin de faire publier son assignation à la conservation des hypothèques pour éviter de se voir opposer l’irrecevabilité de l’article 28 du décret de 1955 sur la publicité foncière. Dans tous les cas, s’il a connaissance du nom de l’acquéreur qui risque de le supplanter, il peut lui dénoncer également son assignation.

 

Il suffit alors au tribunal de constater l’accord des parties sur la chose et sur le prix et constater judiciairement la vente pour suppléer à l’absence d’acte authentique. Cette technique suppose cependant que le vendeur ne se soit pas précipité à revendre son bien, puisque dans une telle hypothèse, sauf à faire déclarer le second acquéreur de mauvaise foi, et ainsi, rendre la vente inopposable au premier acquéreur, on ne peut constater la vente de ce qui a déjà été vendu.

 

Au cas examiné, l’acquéreur devait souffrir de deux difficultés :

 

– Tout d’abord, le fonds de commerce avait déjà été revendu, sans que nous sachions si le second acquéreur connaissait l’existence de la première vente, étant ajouté que celui-ci ayant été appelé à la procédure, aucun moyen n’a pu être développé en ce sens.

– Celui-ci s’y était mal pris en tentant d’obtenir la condamnation sous astreinte à venir signer la vente chez le notaire, alors qu’il lui aurait fallu, dans le cadre d’une procédure d’urgence, de faire constater la vente.

 

Morale de cette histoire : il vaut mieux surveiller de très près les dates de réitération de la vente, et ne pas hésiter à convoquer votre vendeur à faire signer l’acte, plutôt que de vous laisser entrainer dans des mesures dilatoires souvent destinés à cacher un changement d’avis.  

 

Sylvain VERBRUGGHE

VIVALDI-AVOCATS



[1] Article 1583 du Code civil

[2] Cass. 3e civ., 5 janv. 1983, no 81-14.890 ;Cass. 3e civ., 14 janv. 1987, no 85-16.306 ; Cass. 3e civ., 28 mai 1997, no 95-20.098 ; Cass. 3e civ., 17 juill. 1997, no 95-20.064 ; Cass. 3e civ., 12 févr. 2003, no 01-11.258

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