La prévalence des règles du droit des procédures collectives face à d’autres règles d’ordre public

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

Source :  3ème Civ. 19/09/2012 n°10/21-858 n°980 P+B+R+I

 

 

L’Arrêt commenté reçoit l’honneur de la diffusion la plus large pour la Cour de Cassation puisqu’il figurera au rapport annuel et il est d’ores et déjà publié sur le site internet.

 

Il s’agit en effet d’une solution totalement nouvelle, qui résulte de la confrontation de deux corpus de règles d’ordre public : le droit des procédures collectives, et les règles relatives à l’exercice par la SAFER de son droit de préemption sur les cessions d’actifs fonciers.

 

En l’espèce, un couple est placé en liquidation judiciaire. Dans le cadre de cette liquidation, le Juge Commissaire autorise la cession de quatre parcelles pour un prix global de 50.000 €.

 

La SAFER (Société d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural) fait alors usage de son droit de préemption, prévu en application des articles L143-1 et suivants du Code Rural et de la pêche maritime, préemption qui ne pose pas de difficulté particulière dans cadre d’une cession de gré à gré. La préemption serait en revanche écartée que dans le cadre d’un plan de cession.

 

La SAFER, et c’est là le point soumis à l’appréciation de la Cour de Cassation, a également cherché à exercer le droit qui lui est conféré par l’article L143-10 du même code, qui prévoit :

 

« Lorsque la société d’aménagement foncier et d’établissement rural déclare vouloir faire usage de son droit de préemption et qu’elle estime que le prix et les conditions d’aliénation sont exagérés, notamment en fonction des prix pratiqués dans la région pour des immeubles de même ordre, elle adresse au notaire du vendeur, après accord des commissaires du Gouvernement, une offre d’achat établie à ses propres conditions. […] ».

 

La SAFER proposait ainsi une baisse du prix à 30 000 €.

 

Telle était ainsi la question posée à la Cour de Cassation : en application de cet article L143-10, la SAFER pouvait-elle remettre en cause un prix fixé par décision du Juge Commissaire.

 

La Cour de Cassation répond dans une formule lapidaire : « L’exercice du droit de préemption par la SAFER ne peut avoir pour effet de modifier les conditions de la vente autorisée par le Juge Commissaire ».

 

Ce sont donc, en pareille matière, les règles d’ordre public du droit des procédures collectives qui prévalent sur celles relatives à la protection contre la spéculation foncière, qui justifie le droit de préemption de la SAFER.

 

En revanche, l’Arrêt ne justifie pas la solution. Sans doute, faut-il voir là une volonté de protéger prioritairement les créanciers, déjà lourdement pénalisés par la liquidation judiciaire, et qui devraient subir en plus une baisse du prix de réalisation des actifs de leur débiteur liquidé, et reléguer au second plan une protection moins immédiate de la société dans son ensemble contre une élévation anormale des prix de marché de l’immobilier.

 

La Cour de Cassation se passe d’une telle explication intellectuellement satisfaisante mais pose une solution claire et précise.

 

 

Etienne CHARBONNEL

Vivaldi-Avocats

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