La pluralité de baux saisonniers ne crée pas un bail commercial

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : 3ème civ, 5 avril 2018, n°17-10610, Inédit

 

L’exploitation saisonnière d’une activité commerciale, de par sa précarité, ne permet en principe pas au preneur à bail de revendiquer le bénéfice du statut des baux commerciaux. Pour autant, la Cour de cassation considère que certaines locations saisonnières peuvent cacher un bail commercial. Cela peut être notamment le cas lorsque le locataire exploite son activité pendant plusieurs années, paie les charges du bail à l’année et emploie des salariés à durée indéterminée[1]. Ou encore lorsque le locataire est laissé en possession des clés à l’année, souscrit des abonnements et assurances annuels, prouve l’existence de consommations hors saison et emploie des salariés en CDI[2].

 

Le juge n’étant pas tenu par la qualification que donnent les parties au contrat, une location saisonnière peut ainsi parfois être requalifiée en bail dérogatoire ou en bail commercial. Cette requalification ressortant des pouvoirs d’appréciation des juridictions du fond, la qualification de bail commercial dépend des circonstances de l’espèce. Ainsi, une location de 6 mois tous les ans sera considérée comme saisonnière si le locataire ne démontre pas les avoirs occupés à l’année, même s’il conserve les clés entre chaque convention ou s’il laisse son matériel sur place entre deux saisons[3], ou même s’il était assuré et payait ses abonnements téléphoniques et électriques à l’année[4].

 

Dans l’affaire présentement commenté, un preneur édifie dans les années 80, sur le terrain d’une personne privée, un chalet aux fins d’y exploiter une activité de crêperie exploitée pendant la période hivernale.

 

La commune rachète le terrain en 1997 et laisse le locataire en place. L’occupation était notamment formalisée en 2009 par la signature d’une convention d’occupation précaire de 5 mois, dénoncée en 2011, pour être remplacée par une nouvelle convention d’occupation précaire d’une durée d’un an.

 

Finalement expulsé, le locataire assigne la commune en reconnaissance de l’existence d’un bail commercial et paiement d’une indemnité d’éviction.

 

Pour la Cour d’appel de Chambéry, l’occupation ne relève pas d’un bail commercial puisque le locataire ne justifiait pas d’une occupation des lieux toute l’année et invoquait lui-même de difficultés liées au caractère saisonnier de son activité. Les juges du fond relèvent également les courtes durées d’occupation : 5 mois en 2009 et un an en 2011, dénoncée à son expiration.

 

La décision est confirmée par la Cour de cassation, qui s’en réfère à l’appréciation de la juridiction du fond.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats


[1] 3ème civ, 15 septembre 2015, n°14-15863

[2] 3ème civ, 10 juin 1998, n°96-19246

[3] 3ème civ, 23 juin 2016, n°14-24047, AJDI 2016 p688

[4] 3ème civ, 19 avril 2005, n°04-12064

 

 

 

 

 

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