Source : Projet de loi relatif à la lutte contre la fraude n° 1142 – article 13
La fraude fiscale est réprimée par les articles 1741 et suivants du CGI.
Une personne est coupable du délit de fraude fiscale lorsqu’elle s’est frauduleusement soustraite ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l’impôt. Peu importe la nature du procédé utilisé : il peut s’agir notamment de l’omission de déclaration, de la dissimulation de sommes sujettes à l’impôt, de l’organisation d’insolvabilité ou d’autres manœuvres mettant obstacle au recouvrement de l’impôt, d’irrégularités comptables (omission volontaire d’écritures, ou passation d’écritures inexactes ou fictives au livre-journal).
Le Conseil Constitutionnel a jugé que le principe de nécessité des délits et des peines impose que les sanctions pénales ne s’appliquent qu’aux cas les plus graves de dissimulation frauduleuse de sommes soumises à l’impôt. Il a précisé que cette gravité peut résulter du montant de la fraude, de la nature des agissements de la personne ou des circonstances de leur intervention[1].
Le délinquant est passible, indépendamment des sanctions fiscales, d’une amende de 500 000 € et d’un emprisonnement de cinq ans.
La répression de la fraude fiscale
Aujourd’hui, la procédure prévoit que les poursuites en vue de l’application des sanctions pénales sont engagées devant le tribunal correctionnel compétent sur plainte de l’administration fiscale, après obtention d’un avis favorable de la commission des infractions fiscales.
En effet l’article L 228 du LPF dispose :
« Sous peine d’irrecevabilité, les plaintes tendant à l’application de sanctions pénales en matière d’impôts directs, de taxe sur la valeur ajoutée et autres taxes sur le chiffre d’affaires, de droits d’enregistrement, de taxe de publicité foncière et de droits de timbre sont déposées par l’administration sur avis conforme de la commission des infractions fiscales. »
Autrement dit, en matière de fraude fiscale, l’administration fiscale (dépendant du Ministre du Budget) dispose du monopole de l’engagement des poursuites pénales. Il s’agit d’une dérogation importante au droit pénal commun qui prévoit que c’est au ministère public d’apprécier l’opportunité des poursuites.
La problématique de l’existence du verrou de Bercy est ancienne, il est souvent reproché un manque de transparence à l’administration fiscale dans le choix de poursuivre ou non. Cette problématique est revenue sur le devant de la scène récemment avec l’affaire Cahuzac. En effet, à l’époque, Cahuzac étant ministre du Budget aurait été le seul à pouvoir décider de l’opportunité de poursuites contre lui-même pour fraude fiscale…
Le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude
L’article 13 du projet de loi a pour objet d’obliger l’administration fiscale à dénoncer au procureur de la République les faits de fraude fiscale les plus graves dont elle a connaissance. Pour ces dossiers, l’avis de la commission des infractions fiscales serait supprimé.
L’article L 228 du LPF modifié prévoit la transmission automatique au procureur de la République des dossiers remplissant la double condition suivante :
– Application des majorations de 100%, 80% ou 40%[2] ;
– Les droits concernés sont supérieurs à 100 000 €.
Est également prévue la transmission automatique des dossiers prévoyant l’application de majorations de 40%, 80% ou 100% à un contribuable soumis à l’obligation de d’établir une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts (députés, sénateurs, membres du gouvernement…), peu important dans cette hypothèse le montant des droits concernés.
L’article L 228 du LPF serait complété du I suivant :
« I. – Sans préjudice des plaintes dont elle prend l’initiative, l’administration est tenue de dénoncer au procureur de la République les faits qu’elle a examinés dans le cadre de son pouvoir de contrôle prévu à l’article L. 10, qui ont conduit à l’application, sur des droits dont le montant est supérieur à 100 000 € :
1° Soit de la majoration de 100 % prévue à l’article 1732 du code général des impôts ;
2° Soit de la majoration de 80 % prévue au c du 1 de l’article 1728, au b ou c de l’article 1729, au I de l’article 1729-0 A ou au dernier alinéa de l’article 1758 du même code ;
3° Soit de la majoration de 40 % prévue au b du 1 de l’article 1728 ou au a ou b de l’article 1729 du même code, lorsque le contribuable a déjà fait l’objet lors d’un précédent contrôle de l’application des majorations visées aux 1° à 3° ou d’une plainte de l’administration.
L’administration est également tenue de dénoncer les faits au procureur de la République lorsque des majorations de 40 %, 80 % ou 100 % ont été appliquées à un contribuable soumis aux obligations prévues à l’article 1er de la loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique et aux articles 4 et 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, quel que soit le montant sur lequel elles ont été appliquées.
Lorsque l’administration dénonce des faits en application du présent I, l’action publique pour l’application des sanctions pénales est exercée sans plainte préalable de l’administration.
Les dispositions du présent I ne sont pas applicables aux contribuables ayant déposé spontanément une déclaration rectificative. »
Clara DUBRULLE
Vivaldi Avocats
[1] Décision n° 2016-545 QPC du 24 juin 2016 et décision n° 2016-546 QPC du 24 juin 2016
[2] Lorsqu’au cours des 6 années le contribuable a déjà fait l’objet lors d’un précédent contrôle de l’application de majorations de 100%, 80% ou 40% ou s’il a fait l’objet d’une plainte de l’administration fiscale