L’utilisation d’une marque par un fan club

Diane PICANDET
Diane PICANDET - Avocat

 

 

SOURCE : TGI Paris 28 novembre 2013 2012/13628

 

Selon l’arrêt de la CJCE du 12 novembre 2002 (aff. C-206/01, Arsenal football Club), le titulaire d’une marque enregistrée peut interdire l’usage par un tiers d’un signe identique à sa marque si quatre conditions sont réunies :

 

– l’usage de la marque doit avoir lieu dans la vie des affaires ;

 

– sans le consentement du titulaire ;

 

– pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;

 

– porter atteinte, ou être susceptible de porter atteinte, aux fonctions de la marque.

 

D’après la CJCE, l’usage dans la vie des affaires est établi « dès lors qu’il se situe dans le contexte d’une activité commerciale visant à un avantage économique et non dans le domaine privé » (CJCE, 12 nov. 2002, aff. C-206/01, Arsenal).

 

En droit interne, il a été jugé que la notion d’usage dans la vie des affaires ne se limitait pas aux seules opérations commerciales stricto sensu, mais visait également les opérations commerciales qui conduiraient à l’obtention d’un avantage direct ou indirect de nature économique (CA Paris, pôle 5, ch. 2, 12 mars 2010, no RG : 2008/15025)

 

En l’espèce, la fondatrice d’un fan club non-officiel sur internet consacré à une série télévisée avait assigné la production, avec laquelle elle entretenait des relations, après que celle-ci ait sollicité et obtenu de Facebook la fusion de sa page avec la page officielle de la série.

 

La demanderesse considérait que la production, titulaire de deux marques reproduites sur le site, ne pouvait arguer de l’existence de faits de contrefaçon et lui en interdire l’usage.

 

La Cour écarte l’existence d’une atteinte aux droits antérieurs de la production.

 

Pour cela, elle retient que la production ne démontre pas que la demanderesse aurait retiré un avantage économique de l’utilisation des marques sur son site fan club, faute d’établir que l’usage des signes était destiné à promouvoir la commercialisation de produits et services.

 

Elle retient encore que si la page du fan club n’était pas une page personnelle, on ne saurait en déduire que la page était utilisée à titre professionnel et donc commercial.

 

La présence du logo et du nom de la série sur la page du fan club ne démontraient pas plus son caractère commercial.

 

L’organisation de jeux concours gratuits, dont les lots étaient par ailleurs fournis la production, ne démontrait pas davantage l’existence d’un avantage économique retiré.

 

En outre, l’importance du nombre de fans ne pouvait suffire à retenir que l’usage de marques discutées relèverait d’actes de la vie des affaires.

 

Le risque de confusion n’était pas non plus établi puisque le site mentionnait le propriétaire des deux marques reproduites.

 

L’absence de toute activité économique tirée de l’exploitation de la page Facebook excluait ainsi l’idée que la demanderesse essayait de tromper les internautes à des fins économiques.

 

L’appréciation de l’usage d’une marque dans la vie des affaires a donné lieu à une jurisprudence très divergente.

 

En l’espèce, l’appréciation de la licéité de l’usage de la marque a été réalisée à partir du critère de l’usage dans la vie des affaires. Toutefois, la question aurait pu être abordée au regard d’un autre critère : l’exception de référence nécessaire.

 

Alors que le critère de la « référence nécessaire » est une exception aux actes de contrefaçon, le critère de « l’usage dans la vie des affaires » exclut toute contrefaçon, le signe n’étant dans cette hypothèse pas atteint dans sa fonction de marque.

 

La jurisprudence a eu à manier ces deux concepts.

 

Le titulaire de la marque « Juventus » avait assigné en contrefaçon le titulaire d’un site de paris sportif en ligne. Le TGI de Paris avait retenu que le titulaire du site faisait usage de la marque dans la vie des affaires et avait par la suite examiné si les faits de contrefaçon pouvaient se justifier au regard du critère de la référence nécessaire (TGI Paris, 30 janv. 2008).

 

La Cour d’Appel avait pour sa part adopté un raisonnement différent. Elle avait considéré que le signe « Juventus » n’avait pas été utilisé en tant que marque pour désigner des produits ou services mais uniquement « pour désigner l’équipe de football afin de permettre à l’internaute de parier, aucun autre terme ne permettant de désigner l’équipe engagée dans le match qui l’oppose à une autre équipe tout autant désignée par son nom » ; dès lors il n’y avait pas lieu d’examiner l’exception de référence nécessaire (CA Paris, pôle 5, 2e ch., 11 déc. 2009).

 

Diane PICANDET

Vivaldi-Avocats

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