L’irrégularité tirée de l’existence d’une clause de tacite reconduction au sein d’un marché public ne saurait être invoquée devant le juge sans déloyauté

Stéphanie TRAN
Stéphanie TRAN

  

SOURCE : Conseil d’Etat, 4 mai 2015, req. n°371455

 

Rappelons que dans son célèbre arrêt du 28 décembre 2009, Commune de Béziers, le Conseil d’Etat a jugé que les parties à un contrat ne pouvaient, eu égard au principe de loyauté contractuelle, se prévaloir de n’importe quelle irrégularité dans le cadre d’un recours en contestation de validité du contrat.

 

Précisément, l’exigence de loyauté contractuelle écarte désormais toute possibilité pour chacune des parties d’invoquer des irrégularités qu’elles auraient provoquées elles-mêmes (Administration) ou dont elles auraient eu la connaissance (cocontractant), et qui, loin de les avoir lésées, leur auraient en réalité profité.

 

Cette solution commandée par l’adage latin Nemo auditur propriam turpitudinem permet ainsi d’éviter qu’une des parties puisse échapper à ses obligations contractuelles en se prévalant paradoxalement d’une irrégularité qui l’aurait favorisée, telle qu’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.

 

Par exception, ce n’est que lorsque le vice est d’une particulière gravité que le juge accepte d’écarter le contrat, celui-ci étant considéré comme étant nul, et de régler le litige sur le terrain de la responsabilité quasi-contractuelle et quasi-délictuelle.

 

En l’espèce, la question se posait de savoir si l’existence d’une clause de tacite reconduction d’un marché public pour des durées de douze et cinq ans était d’une gravité telle qu’elle conduisait le juge à devoir écarter le contrat.

 

En effet, et afin de se soustraire à la nécessité de régler le solde des contrats de mobilier urbain qu’elle avait dénoncés, la commune de Luisant avait argué de leur nullité, dès lors que leur tacite reconduction avait méconnu l’obligation d’une mise en concurrence.

 

Sur ce point, le Conseil d’Etat valide la position adoptée par les juges d’appel, lesquels avaient considéré qu’eu égard aux circonstances de l’espèce, la reconduction tacite des contrats litigieux ne constituait pas un vice d’une gravité telle que le litige doive se régler en-dehors du terrain contractuel.

 

Dans ces conditions, il appartenait à l’Administration de régler le solde des marchés tacitement reconduits.

 

Néanmoins, dans la mesure où la demande indemnitaire de la société titulaire du marché avait été uniquement formulée par cette dernière sur le terrain quasi contractuel et quasi délictuel, celle-ci s’est vu débouter de sa réclamation.

 

En effet, le Conseil d’Etat vient rappeler que le fondement de la responsabilité contractuelle n’est pas un moyen d’ordre public sur lequel il incomberait au juge d’inviter les parties à formuler leurs observations.

 

Stéphanie TRAN

Vivaldi-Avocats

 

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