L’absence du devoir de mise en garde de l’emprunteur averti

Geneviève FERRETTI
Geneviève FERRETTI

 

 

SOURCE : Cass, Com., 18 mars 2014. Pourvoi n° N 12-28.784. Arrêt n° 293 F-P

 

La Cour de Cassation réitère et assoit désormais une jurisprudence constante aux termes de laquelle une banque qui accorde un crédit à un emprunteur qualifié d’averti n’a pas l’obligation de le mettre en garde sur les risques de l’opération[1].

 

Aux termes de ces arrêts, la Cour de Cassation a qualifié d’emprunteur averti « rompu aux opérations d’investissement » ou encore « un chef d’entreprise expérimenté »

 

De même elle ne qualifie pas d’emprunteur averti « un chef d’entreprise néophyte »[2]

 

Dans l’arrêt présentement commenté, une banque a consenti à une société en cours d’immatriculation un prêt pour financer l’achat d’un fonds de commerce de boulangerie.

 

La société n’a pas repris l’engagement souscrit en son nom par l’un de ses fondateurs et le règlement des échéances du prêt n’ont pas été honorées. (étant précisé qu’au visa des articles 1843 du code civil ou L.210-6 du code de commerce, les personnes ayant agi au nom d’une société en formation sont tenues des obligations nées des actes accomplis, sauf s’ils sont repris par la société après immatriculation.

 

Cette situation a conduit la banque à poursuivre l’un des associés fondateurs, lequel devant les juges du fond a considéré que la banque avait engagé sa responsabilité pour manquement à son obligation de mise en garde lors de la conclusion du prêt.

 

La cour d’appel a condamné l’emprunteur à payer à la banque une certaine somme, considérant qu’il devait être qualifié d’emprunteur averti et que par voie de conséquence la banque n’était pas tenue d’un devoir de mise en garde.

 

L’emprunteur fait grief à la Cour d’appel d’avoir considéré qu’il était un emprunteur averti, dés lors qu’il exerçait au moment de la souscription du prêt, une activité de cadre au sein d’une société ayant pour activité la boulangerie-pâtisserie et que le fonds de commerce financé par le prêt litigieux avait précisément pour activité la boulangerie-pâtisserie.

 

Aux termes d’une argumentation pour le moins spécieuse, l’emprunteur se retranche derrière le fait qu’il était certes cadre dans une société mais dont l’activité était la meunerie et non la boulangerie-pâtisserie.

 

L’emprunteur de conclure qu’il n’est qu’un « vendeur de farines » et ne peut donc être qualifié d’emprunteur averti.

 

L’emprunteur formule un second grief à l’encontre de l’établissement, engageant sa responsabilité, qui lui aurait consenti des concours excessifs, au regard de ses facultés contributives.

 

L’emprunteur considère en effet, que la cour d’appel a fait une mauvaise appréciation des faits de la cause, lorsqu’elle énonce que ses facultés financières ne devaient pas être appréciées au regard de sa seule qualité d’associé au moment de la conclusion du prêt, mais également dans la perspective des revenus qu’il était susceptible de tirer de l’exploitation du fonds.

 

La Cour de Cassation approuve la Cour d’Appel et rejette les moyens développés par l’emprunteur.

 

En effet, la Haute Cour a admis que loin de se borner à retenir qu’au moment de la souscription du prêt, l’emprunteur était cadre dans une société ayant une activité de boulangerie-pâtisserie et que le fonds de commerce pour l’acquisition duquel ce prêt avait été consenti avait précisément cette activité, la cour d’appel a relevé qu’il était membre fondateur et associé de la société dont il détenait la moitié des parts sociales.

 

De facto, au vu de ces éléments c’est à bon droit que la Cour d’Appel a pu conclure à ce qu’il était personnellement intéressé à l’acquisition du fonds de commerce et donc en mesure de disposer de tous les renseignements utiles pour apprécier l’opportunité de recourir au crédit litigieux.

 

En conséquence, ces éléments faisant ressortir le caractère averti de l’emprunteur, c’est à bon droit que la Cour d’Appel a jugé que la banque n’était débitrice à son égard d’aucun devoir de mise en garde.

 

Geneviève FERRETTI

Vivaldi Avocats

 


[1] Cass.com. 5.11.2013 n° 11-27.400 : BRDA 24/13- Cass.com 5.11.2013 n°11-25.11 : BRDA 22/13

[2] Cass.com. 11.4.2012 n° 10-25.904 : BRDA 11/12

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