SOURCE : Cass com. 09/02/2016, n° 14-22179, FS-PB
I – Le texte
L’article L 341-6 du Code de la Consommation impose au créancier professionnel de faire connaître « à la caution personne physique, au plus tard le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente, au titre de l’obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement (…). »
Cette obligation d’information s’applique quel que soit le montant du prêt, fut-il supérieur au montant des prêts qui n’entrent normalement pas dans le champ d’application du crédit à la consommation régi par les articles L 311-1 et suivants du Code de la Consommation[1].
La sanction du défaut d’informations est la déchéance du droit aux intérêts au taux conventionnel, qui laisse toutefois subsister les intérêts au taux légal[2].
Enfin, il convient de rappeler qu’au visa de l’article L 341-1 du Code de la Consommation et sans préjudice de disposition particulière, toute personne physique qui s’est portée caution, doit être informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal, dès le premier incident de paiement non régularisé, dans le mois de l’exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle a été informée.
II – La décision commentée
L’arrêt est court et se résume à un attendu de principe :
« (…) Que pour condamner la caution à payer une certaine somme à la banque, l’arrêt après avoir constaté qu’elle prétend ne pas avoir reçu les lettres d’informations annuelles qui doivent lui être adressées, retient que la banque justifie avoir satisfait à son obligation en versant aux débats copie des lettres simples des 8 février 2008 et 19 février 2009, détaillant chacune le montant des engagements de la caution au 31 décembre de l’année précédente en principal, intérêts et accessoires ;
Qu’en se déterminant ainsi par des motifs impropres à justifier de l’accomplissement des formalités prévues par le texte susvisé, dès lors que la seule production de la copie d’une lettre ne suffit pas à justifier de son envoi, la Cour d’Appel a privé de sa décision de base légale. »
S’agit-il d’un retour à la lettre recommandée avec accusé réception ? Difficile à dire : l’article 1315 alinéa 2 du Code Civil exige que le débiteur de l’information, c’est-à-dire l’établissement bancaire, rapporte une double preuve : celle de l’envoi et celle du contenu de l’information, de sorte qu’a priori, la copie des correspondances adressées au débiteur aurait dû suffire.
Il faut également rappeler que la Cour de Cassation juge que la preuve que le devoir d’information a été respecté, peut être rapporté par tous moyens[3], de sorte que l’établissement bancaire n’aurait pas à prouver l’envoi de la lettre d’informations si aucun élément ne permettait d’en douter[4].
Il faut toutefois admettre que ce principe est très vite battu en brèche, dès que la caution nie avoir reçu la lettre d’informations. A l’inverse, la banque peut apporter la preuve, notamment par des échanges épistolaires ou électroniques avec la caution, que celle-ci a été nécessairement informée de la portée de l’étendue de ses engagements dans l’année en cours.
Ceci posé, lorsque la caution conteste avoir reçu le relevé d’informations, à défaut de LRAR et en l’absence d’une preuve implicite ou explicite de la connaissance par la caution de cette information, il est difficile d’apporter la preuve que l’information a bien été délivrée, puisque la Cour de Cassation revirant d’ailleurs sa jurisprudence, a jugé que la remise de la caution d’une facture relative aux frais d’informations, ainsi que son règlement sans contestation, ne constituait pas une preuve suffisante[5].
Il est clair que la combinaison des décisions précisées, ajoutée à celle faisant l’objet du présent commentaire, va permettre au débiteur de faire de la déchéance des intérêts contractuels un marronnier dans toute action en défense en exécution d’un engagement de caution.
Eric DELFLY
VIVALDI-Avocats
[1] A savoir les prêts d’un montant supérieur à 21 500 € avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 (Code de la Consommation, art D 311-1) et supérieur à 75 000 € depuis cette loi (Code de la Consommation, art L 311-3).
[2] Voir notamment Cass 1e civ. 09/04/2015, n° 14-15033, FD
[3] Cass com. 17/06/1997, JCP E 1997 II, 1007, Note D. LEGEAIS
[4] Cass com. 26/10/1999, JCP G 2000 I, 257, n° 8, Obs. Philippe SIMLER
[5] Cass com. 15/12/2015, n° 14-10675 publié au bulletin