Indemnité contractuelle de recouvrement de prêt : elle est inopposable à la sauvegarde du débiteur

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Source : Cass. com., 22 février 2017, n°15-15.942, FS-P+B+I

 

I – Les faits

 

Une banque a consenti un prêt à une société, placée ensuite en sauvegarde. La banque a alors déclaré une créance correspondant à l’intégralité du capital prêté à échoir, majoré d’une indemnité de recouvrement classiquement stipulée au contrat de prêt. Cette indemnité ayant été contestée, la banque a saisi le tribunal aux fins de fixer sa créance, lors de la vérification du passif.

 

Les juges du fond ont rejeté la demande d’admission de la créance au titre de l’indemnité de recouvrement, au motif principal qu’une telle clause aggrave la situation du débiteur en sauvegarde, alors que le prêt n’est pas exigible à la date du jugement d’ouverture de la procédure. La banque a formé un pourvoi en cassation.

 

II – L’arrêt de rejet

 

La Haute juridiction approuve les juges du fond dans leur analyse. La banque soutenait notamment que la clause prévoyait une indemnité de 5 % dans le cas où la banque serait obligée de recouvrer sa créance par voie judiciaire ou extra-judiciaire ou de produire celle-ci à un ordre judiciaire quelconque, notamment en cas de redressement judiciaire, de sorte que, sanctionnant tout débiteur qu’il fasse ou non l’objet d’une procédure collective, elle ne pouvait être considérée comme aggravant la situation de celui faisant l’objet d’une telle procédure.

 

La Cour de cassation ne l’analyse comme telle, et estime qu’une telle clause aggrave les obligations de la débitrice, en mettant à sa charge des frais supplémentaires du seul fait de sa mise en sauvegarde. Tel est le cas s’il n’est pas défaillant dans le remboursement du prêt. Le pourvoi est par conséquent rejeté.

 

III – Analyse

 

Le principe d’égalité des créanciers chirographaires est d’ordre public, de sorte que la Cour de cassation a déjà jugé que la clause prévoyant une indemnité de recouvrement au profit du créancier convenue avant l’ouverture de la procédure collective est nulle, s’il résulte de cette clause une majoration des obligations du débiteur envers le créancier du seul fait de l’ouverture d’une telle procédure[1].  A l’inverse, est valable la clause d’un prêt qui sanctionne tout débiteur, qu’il soit ou non en redressement judiciaire, et prévoit une indemnité forfaitaire, dans les cas où la banque serait obligée de recouvrer sa créance par voie judiciaire ou extrajudiciaire, ou de produire celle-ci auprès du représentant des créanciers dans le cadre d’une procédure collective, car elle n’aggrave pas la situation du débiteur placé dans ce dernier cas[2]. En effet, la clause joue quelque soit la configuration de l’impayé, et pas seulement en cas d’ouverture de procédure collective.

 

C’est cette jurisprudence que la banque invoque en l’espèce, mais encore faut-il que le débiteur soit défaillant au jour du jugement d’ouverture, ce qui est rarement le cas lorsqu’il est placé sous sauvegarde, l’ouverture d’une telle procédure supposant qu’il ne soit pas en cessation des paiements, mais justifie de difficultés insurmontables[3].

 

Cette jurisprudence illustre une nouvelle fois que l’exercice de la déclaration de créances… n’est pas un exercice de style.

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats


[1] Cass. com., 16 oct.2007 n° 06-16.459, FS-D

[2] Cass. com., 8 sept. 2015 n°14-14.183, F-D

[3] Art. L.620-1, al. 1, C.com.

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