Commissariat aux comptes : conséquence d’une intention malveillante dans la révélation de faits délictueux au Procureur de la République

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

SOURCE : Cass Com., 15 mars 2017, Arrêt n°14-26.970 – (FS-P+B+I)

 

Une société par actions simplifiée familiale, à la suite de l’arrêt de l’activité de son Commissaire aux comptes et du refus de la candidature proposée par l’Assemblée Générale le 16 mai 2009, va charger son Avocat de convoquer une nouvelle assemblée pour désigner un nouveau Commissaire aux comptes et accomplir les formalités légales de modification des mentions au Kbis de la société.

 

Un procès verbal d’Assemblée Générale Ordinaire du 10 septembre 2009 mentionne le Commissaire aux comptes désigné, personne physique, tandis qu’un procès verbal du même jour certifié conforme, déposé auprès du Greffe du Tribunal de Commerce dont dépend la société, mentionne au titre de la nomination en qualité de titulaire aux fonctions de Commissaire aux comptes une société fiduciaire représentée par la personne physique mentionnée dans la première version du procès verbal d’assemblée.

 

La Société fiduciaire va émettre régulièrement ses rapports au cours des deux exercices suivants.

 

Un litige va alors naître entre les parties sur l’identité du titulaire du mandat de Commissaire aux comptes, personne physique ou personne morale représentée par la personne physique.

 

Les parties vont également s’opposer sur le montant des honoraires du Commissaire aux comptes.

 

C’est dans ce contexte que la société va faire l’objet d’un refus de certification de ses comptes annuels au 30 septembre 2011.

 

Assignée en référé pour la délivrance des rapports de certification, la société de Commissariat aux comptes va finalement délivrer des rapports de certification comportant de simples réserves et les communiquer à la société le 30 mai 2012.

 

Toutefois, dès le lendemain, le Commissaire aux comptes va dénoncer la société contrôlée au Procureur de la République, dénonçant tout d’abord un projet d’achat par la société contrôlée d’un ensemble immobilier au président de celle-ci à un prix surévalué dont aucune mentionne n’était faite dans le rapport de certification des comptes, dénonçant également l’ajournement de l’Assemblée Générale Ordinaire d’approbation des comptes de l’exercice clos au 30 septembre 2011 et dénonçant enfin le litige opposant le litige de la société contrôlée à son Commissaire aux comptes à propos de sa désignation et des honoraires.

 

Puis le Commissaire aux comptes déclenchera la procédure d’alerte le 15 mars 2013, l’interrompant dès réception des observations de la société contrôlée.

 

La société contrôlée va alors assigner son Commissaire aux comptes en réparation des dommages causés par ses agissements.

 

En cause d’appel, la Cour d’Appel de PARIS, dans un Arrêt du 23 septembre 2014, va considérer que l’obstination mise par un Commissaire aux comptes qui se trouvait en litige avec sa cliente, relativement au paiement d’honoraires, a refusé la certification de comptes au motif erroné d’un risque d’augmentation triennale du loyer d’un bail commercial, lequel était exclu comme il en avait été justifié par les soins de la société contrôlée, caractérise un abus dans l’exercice de sa mission et sera retenue comme fautive.

 

De même, la Cour considère également que la dénonciation de la société contrôlée au Procureur de la République dès le lendemain de la remise du rapport de certification, soit le 30 mai 2012, procède manifestement de l’intention de nuire, exclusive de l’immunité légale de l’article L.823-12 alinéa 2 du Code de Commerce.

 

Par suite, la Cour d’Appel condamne le Commissaire aux comptes au paiement d’une somme, relevant que les fautes sont exclusivement d’ordre moral, faute de toute indication précise sur les conséquences financières qu’elles auraient pu provoquer.

 

Ensuite de cette décision, les parties forment un pourvoi en Cassation.

 

Auteur du pourvoi incident, le Commissaire aux comptes fait grief à l’Arrêt de le condamner à payer une certaine somme à la société, alors qu’aux termes des dispositions de l’article L.823-12 du Code de Commerce, lorsque les Commissaires aux comptes révèlent au Procureur de la République les faits délictueux dont ils ont eu connaissance leur responsabilité ne peut être engagée par cette révélation et qu’en outre ce texte ne prévoit pas d’exception à l’irresponsabilité qu’il institue.

 

Mais la Chambre Commerciale ne va pas suivre le Commissaire aux comptes dans son argumentation.

 

Relevant que si la révélation au Procureur de la République par un Commissaire aux comptes de faits délictueux dont il a connaissance ne peut engager sa responsabilité, cette immunité cède lorsque la révélation procède d’une intention malveillante et que l’Arrêt d’appel, qui a relevé que l’intention de nuire exclusive de l’indemnité légale est caractérisée par la dénonciation de la société contrôlée, dès le lendemain de la remise du rapport de certification, de faits dont le rapport de certification ne comportait aucune mention et d’un litige ne touchant pas à la régularité et la sincérité des comptes, étranger en soi à toute qualification pénale, a ainsi légalement justifié sa décision.

 

Par suite, la Chambre Commerciale rejette le pourvoi incident du Commissaire aux comptes.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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