ICPE : jusqu’à quand est-on tenu de remettre en état un site pollué.

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

 

SOURCE : CAA DOUAI, 28 mai 2015, n°13DA02130, Inédit au recueil LEBON

 

Une société exerce entre 1970 et 1975 une activité de tannerie puis vend la parcelle de terrain sur laquelle est exercée l’activité à une ICPE ayant une activité distincte et transmet l’ensemble de son activité à une autre entreprise en 1978.

 

Lors de l’arrêt d’activité de l’ICPE en 2009, il a été découvert sur le terrain cédé un enfouissement de déchet textile, nécessairement imputables à la tannerie. Le cessionnaire de la tannerie est donc mis en demeure par le Préfet de remettre en état le site, suivant arrêté du 11 juillet 2011, qui a fait l’objet d’une demande d’annulation.

 

Cette demande a été rejetée par le Tribunal administratif d’Amiens.

 

Devant la Cour d’appel de Douai, le cessionnaire excipe de la prescription de la demande du préfet, en application de l’article L152-1 du Code de l’environnement :

 

« Les obligations financières liées à la réparation des dommages causés à l’environnement par les installations, travaux, ouvrages et activités régis par le présent code se prescrivent par trente ans à compter du fait générateur du dommage. »

 

Pour la Cour d’appel de Douai, ce dispositif ne concerne que la prescription de l’action en réparation d’un dommage environnemental et pas l’obligation de remise en état du site des suites de la cessation d’activité de l’article L512-6-1 du Code de l’environnement, objet de la présente procédure.

 

La Cour, à l’instar d’un arrêt du Conseil d’Etat en date du 8 juillet 2005[1] reprenant la même formulation, considère que cette obligation de remise en état est également prescrite par trente ans « sauf dans le cas où les dangers ou inconvénients présentés par le site étaient dissimulés ». Tel est le cas en l’espèce, puisque les déchets de cuir étaient enfouis sous 30 à 160 cm de remblai, ce qui conduit les juges du fond à rejeter la requête de la tannerie et condamner la société à remettre le site en état, malgré l’ancienneté des faits.

 

En conséquence, sans l’indiquer clairement, la Cour fait ainsi application de l’article 2262 du Code civil, dans sa version en vigueur à l’époque de l’extinction de la prescription… en contrariété avec la dernière jurisprudence du Conseil d’Etat du 12 avril 2013[2], qui tend à réputer imprescriptible l’exercice, par l’autorité administrative, « des pouvoirs de police spéciale en présence de dangers ou inconvénients se manifestant sur le site où a été exploitée une telle installation ».

 

Pour le surplus, le praticien notera que l’article 2262 du Code civil n’a pas été reprise par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, de sorte qu’il n’existe actuellement d’autre prescription trentenaire en matière environnementale que celle de l’article L152-1 du Code de l’environnement « relative aux obligations financières liées à la réparation des dommages causés à l’environnement ».

 

En application de l’arrêt du Conseil d’Etat du 12 avril 2013, on retiendra que quelle que soit l’acquisition de la prescription au moment de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, le dernier exploitant devra remettre en état le site dès injonction de l’administration, sans pouvoir invoquer une quelconque prescription.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 


[1] CE, Assemblée, 8 juillet 2005, n°247976, Publié au recueil LEBON

[2] CE, 6ème et 1ère SSR, 12 avril 2013, n°363282, Mentionné dans les tables du recueil LEBON

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