Le non renouvellement de CDD peut constituer une rupture brutale des relations commerciales établies

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

 

SOURCE : Cass com., 23 juin 2015, n°14-14687, Inédit

 

L’action en responsabilité formée devant le Tribunal de commerce territorialement compétent, statuant au fond, fondée sur les dispositions des articles 1382 du Code civil et L442-6 I 5° du Code de commerce n’est pas la seule à pouvoir être mise en œuvre afin de réparer les conséquences d’une rupture brutale des relations commerciales établies.

 

Le bénéficiaire d’un mandat-gérance renouvelé depuis 5 ans avait ainsi, à réception du courrier de son mandant l’informant de la rupture de leurs relations commerciales, un mois avant la fin du dernier CDD, saisit Monsieur le Président du Tribunal de commerce de LYON aux fins de voir ordonné au mandant la poursuite des relations pendant 6 mois, sur le fondement des articles 873 du Code de procédure civile, L442-6 I 5° et L442-6 IV du Code de commerce.

 

En effet, selon le mandataire, « le président peut (…) prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent (…) pour faire cesser un trouble manifestement illicite » et « ordonner, au besoin sous astreinte, la cessation des pratiques abusives ou toute autre mesure provisoire ».

 

Or pour le demandeur, la rupture brutale des relations commerciales établies est un trouble manifestement illicite.

 

Le mandant excipe de l’impossibilité, pour le juge des référés de se livrer à l’examen des critères nécessaires à l’application de l’article L442-6 I 5° du Code de commerce, apanage du juge du fond.

 

Monsieur le Président du Tribunal de commerce, tout comme la Cour d’appel de PARIS, vont faire droit aux prétentions du mandataire, retenir le trouble manifestement illicite et condamner le mandant à respecter un préavis de 6 mois (pour 66 mois de relations commerciales, soit 11% de la durée totale).

 

Reprochant à la Cour d’appel de revenir sur sa jurisprudence selon laquelle :

 

« (…) le renouvellement antérieur, à deux reprises, de concessions triennales arrivées à terme, n’ont pas conduit à l’existence d’une relation commerciale établie au sens de cette disposition, en ce qu’à chaque fois les parties ont stipulé l’exclusion formelle de toute possibilité de reconduction tacite, de sorte que la relation ne présentait pas une intensité suffisante, laissant penser qu’elle était susceptible de se poursuivre pendant un temps, en fait, non véritablement déterminé, puisqu’il se dégage des stipulations contractuelles, une probabilité insuffisante des éventuels renouvellements successifs ; »[1]

 

et d’avoir ainsi caractérisé la rupture brutale à partir de la cessation d’un CDD, alors qu’il n’existe « aucune ambigüité sur la nature précaire des relations des parties », le mandant s’est pourvu en cassation.

 

La Cour de cassation rejette le pourvoi. Bien que relevant que chaque CDD d’un an excluait toute reconduction, de sorte que compte tenu des relations antérieures, le mandataire pouvait s’attendre à un renouvellement des relations commerciales, de fait établies, et que le préavis octroyé par le mandant, trop court, l’empêche de réorganiser son activité. La Cour d’appel de Paris a donc pu retenir l’existence d’un trouble manifestement illicite.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 


[1] CA PARIS, CH5 B, 29 mai 2008, n°05/00101

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