Source : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de cassation du 12 juillet 2022, n° 21-14.777 (F-D rejet).
Un salarié engagé en qualité de conducteur de véhicules poids lourds hautement qualifié par contrat à durée indéterminée du 30 mars 1997 et exerçant en dernier lieu les fonctions de chef d’équipe, a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé le 09 mars 2016, et mis à pied à titre conservatoire.
Le 16 mars 2016, son licenciement pour faute grave lui a été notifié, l’entreprise lui reprochant d’avoir, à de nombreuses reprises et pendant plusieurs semaines, adressé des sms à connotation sexuelle et obscène à une cliente de la société, alors même qu’elle lui avait clairement indiqué de cesser un tel comportement, en vain, de sorte que celle-ci a indiqué à l’entreprise qu’elle refusait tout contact avec le salarié et refusait qu’il ait accès au site.
Contestant son licenciement, le salarié a saisi le Conseil de Prud’hommes, lequel l’a débouté de ses demandes.
La Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE, dans un arrêt du 05 février 2021, a confirmé la décision des premiers juges, considérant que ces messages étaient en lien avec le cadre professionnel du salarié, qui s’était trouvé en relation avec une salariée d’une entreprise cliente et qu’il avait eu connaissance de ses coordonnées téléphoniques professionnelles dont il a fait un usage abusif en lui adressant des messages à caractère obscènes.
Les juges considèrent que le comportement injurieux à l’égard d’une salariée d’un partenaire commercial avait bien eu pour conséquence d’entrainer un trouble caractérisé dans l’entreprise, puisque la salariée et son employeur avaient exigé que le salarié mis en cause se voit interdire l’accès au site.
La Cour d’Appel souligne également que la société partenaire s’était plainte auprès de sa co-contractante d’avoir été contrainte de faire diligenter un constat d’Huissier pour établir la réalité des propos à caractère sexuel proférés par le salarié mis en cause et que la nature même des faits reprochés a porté atteinte à l’image de l’employeur, ce qui a justifié qu’il ne puisse poursuivre la relation contractuelle du salarié dans ces conditions.
En suite de cette décision, le salarié forme un pourvoi en cassation.
À l’appui de son pourvoi, il prétend :
- Que les faits reprochés étaient étrangers à ses fonctions de chef d’équipe, qu’ils relevaient de sa vie personnelle et ne constituaient pas un manquement à ses obligations professionnelles, de sorte qu’ils ne pouvaient pas justifier une sanction disciplinaire,
- Que le partenaire commercial avait arrêté son activité sur le site, ce qui mettait un terme à la mission du salarié sur ce site, et excluait toute désorganisation de l’entreprise qui n’avait perdu aucun client, de sorte qu’aucune faute grave ne pouvait lui être reprochée en l’absence de préjudice subi par l’employeur,
- Et que la faute grave doit être appréciée in concreto en tenant compte des qualités professionnelles du salarié et de ses antécédents disciplinaires, soulignant que la Cour d’Appel n’avait pas pris en considération, pour apprécier la légitimité du licenciement, le comportement antérieur exempt de tout reproche du salarié, qui depuis son embauche avait toujours donné entière satisfaction à son employeur et adoptait un comportement respectueux à l’égard des autres salariés et ne s’était vu infliger la moindre sanction disciplinaire en 20 ans d’ancienneté.
Mais la chambre sociale de la haute Cour ne va pas suivre le salarié dans son argumentation.
Soulignant que le salarié, dans le cadre de l’exécution du contrat de travail, s’était trouvé en relation avec une salariée d’une entreprise cliente, et avait eu connaissance de ses coordonnées téléphoniques professionnelles dont il avait fait un usage abusif en lui adressant des messages à caractère obscène, la Cour d’Appel a pu en déduire que les propos à caractère sexuel à l’égard de cette salariée avec laquelle il était en contact, exclusivement en raison de son travail, ne relevait pas de sa vie personnelle, et que ce comportement injurieux à l’égard d’une salarié d’un partenaire commercial rendait impossible la poursuite du contrat de travail.
Ensuite, la Chambre sociale de la Haute Cour rejette le pourvoi.