Lorsqu’une substance toxique a été utilisée illégalement par un employeur, les salariés qui y ont été exposés peuvent-ils obtenir une indemnisation distincte de celle qui répare leur préjudice d’anxiété ?

Judith Ozuch
Judith Ozuch

Lorsque l’employeur a eu recours illégalement à l’amiante, le salarié dont le droit à réparation au titre du préjudice d’anxiété est éteint peut obtenir des dommages et intérêts au titre d’une atteinte à sa dignité.

Sources : Cass. soc., 8 févr. 2023, n° 21-14.451, FP-B + R

Une personne qui a été exposée à une substance toxique peut éprouver un sentiment d’inquiétude permanente généré par le risque de déclarer à tout moment une maladie liée à l’exposition à une telle substance. Le fait d’éprouver ce sentiment cause à cette personne un préjudice moral appelé « préjudice d’anxiété ».

La Cour de cassation reconnaît que les salariés peuvent obtenir de leur employeur la réparation de ce préjudice dans le cas d’une exposition à l’amiante ou à toute autre substance toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave[1].

Ce préjudice d’anxiété peut être reconnu dans deux cas :

  • lorsque le salarié démontre que son employeur a manqué à son obligation de sécurité .
  • lorsque l’état de santé du salarié peut aboutir à la « déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante [ou une autre substance toxique] avec le risque d’une pathologie grave pouvant être la cause de son décès[2] ».

Le délai de prescription pour solliciter la reconnaissance de ce préjudice est de deux ans à compter du jour où le salarié a eu connaissance des faits lui permettant d’exercer ses droits[3].

Dans cette espèce, la demande relative à la reconnaissance du préjudice d’anxiété était prescrite.

Dès lors, les salariés n’ont pas appuyé leur demande sur la reconnaissance d’un préjudice d’anxiété mais sur un préjudice distinct relatif à l’obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail.

L’employeur avait continué, en toute illégalité, à utiliser de l’amiante de 2002 à 2005 alors qu’il n’était plus titulaire d’une autorisation dérogatoire et qu’il n’a jamais informé les salariés concernés.

La Cour de cassation valide le raisonnement des juges du fond qui ont accordé aux salariés une indemnisation au titre d’une atteinte à la dignité. Elle considère, en effet, que l’employeur a ainsi manqué à son obligation d’exécuter de bonne foi les contrats de travail et accorde aux salariés la possibilité d’obtenir réparation de leur préjudice moral.

Le communiqué de la Cour de Cassation concernant cet arrêt rappelle l’existence de deux types de préjudices correspondant chacun à un manquement différent de l’employeur :

  • lorsque l’employeur a manqué à son obligation de sécurité en utilisant une substance toxique autorisée sans mettre en œuvre les risques de prévention des risques professionnels adéquates, ses salariés peuvent réclamer l’indemnisation d’un préjudice d’anxiété ;
  • lorsque l’employeur recourt illégalement à une substance toxique prohibée, commettant ainsi une infraction pénale, son exécution déloyale du contrat de travail porte atteinte à la dignité du salarié qui peut alors réclamer réparation du préjudice moral, indépendamment du préjudice d’anxiété.

[1] Cour de cassation, Assemblée Plénière, 5 avril 2019, n° 18-17442

[2] Cour de cassation, chambre sociale, 13 octobre 2021 n° 20-16.617, 20-16.585, 20-16.584, 20-16.593 et 20-16.583

[3] Article L.1471-1 du Code du travail et Cour de cassation, Chambre sociale, 15 décembre 2021, 20-11.046.

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