Source : Cass. Civ. 2ème, 8 octobre 2020 n°18-25.021

 

En l’espèce, un salarié conducteur de bus est victime d’une première agression au cours de laquelle il est giflé et se fait voler son téléphone portable puis d’une seconde quelques jours plus tard au cours de laquelle il est roué de coups de pieds et de poings et insulté par des individus montés dans son bus.

 

Le salarié saisit le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale (devenu depuis Pôle Social du Tribunal Judiciaire) afin de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur.

 

Les juges du fond écartent la faute inexcusable de l’employeur :

 

Ils considèrent après avoir constaté l’existence de 4 agressions en 20 mois sur la ligne empruntée par le chauffeur que l’employeur ne connaissait pas le risque particulier d’agression et relèvent que le projet de vidéos embarquées afin de limiter ce risque, a été proposé par le CHSCT plusieurs mois après l’incident objet du litige.

 

Ils ajoutent que l’employeur n’était pas informé des injures et humiliations dont le salarié avait été victime.

 

La Cour de Cassation censure la décision de la Cour d’Appel qui relevant l’existence d’agressions antérieures sur la même ligne aurait dû tirer les conséquences de ses constatations et en déduire que l’employeur aurait dû avoir conscience du risque d’agression physique auquel les conducteurs étaient exposés.

 

La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur permet au salarié d’obtenir une majoration de la rente qui lui a été attribuée, et la réparation intégrale des préjudices subis.

 

La définition de la faute inexcusable est issue d’une construction prétorienne

 

La jurisprudence exigeait jusqu’en 2002, que soit démontrée l’existence d’une faute d’une gravité exceptionnelle, dérivant d’un acte ou d’une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur et de l’absence de toute cause justificative.

 

Un assouplissement pour le moins notable des critères définissant la faute inexcusable a été opéré à l’occasion des arrêts dits amiante.

 

La Haute Cour a précisé par ces arrêts en date du 28 février 2002[1], que l’employeur est tenu envers le salarié d’une obligation de sécurité de résultat et que le manquement à cette obligation caractérise une faute inexcusable au sens de l’article L452-1 du Code de la Sécurité Sociale en ce que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel étaient exposés les salariés et n’a pas pris les mesures nécessaires pour les préserver.

 

Il n’est pas nécessaire que le danger soit évident et certain.

 

Sont pris en considération le fait que des accidents similaires sont survenus avant l’accident litigieux[2] :

 

Le fait que le danger soit habituel n’est également pas suffisant à écarter la responsabilité de l’employeur[3].

 

Il a été jugé à titre d’exemple que l’agression dont a été victime un salarié dans un hôtel de luxe est dû à la faute inexcusable de l’employeur dès lors que celui-ci aurait dû réparer son système de sécurité : l’absence de réparation du système de sécurité avait en l’occurrence facilité l’accès des agresseurs[4].

 

Les conducteurs de bus sont exposés potentiellement à un risque d’agression : la mise en place d’un système de vidéos embarquées pourrait-t-elle être de nature à constituer une mesure de prévention suffisante permettant d’exclure la faute inexcusable de l’employeur?

 

[1] Cass. Soc. 28 février 2002 n°835, n°837…

 

[2] Cass. Soc. 12 février 1985

 

[3] Cass. Civ. 2ème , 12 mars 2020 n°19-10.421

 

[4] Cour d’Appel Versailles, 2 novembre 2017 n°15-05468

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