Faits nouveaux et autorité de la chose jugée

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

Source : Cass.Civ.2., 10 décembre 2020, n°19-12140, n°1372 P+B+I

 

Un couple acquiert un terrain constructible par acte notarié reçu le 3 aout 2006. Pour réaliser l’opération, l’acte authentique de vente comprend l’emprunt à hauteur de 300.000 € stipulée remboursable en une seule échéance au plus tard le 3 juillet 2008, sans intérêt, le remboursement devant se faire sur le bénéfice réalisé par la vente de la maison d’habitation à faire construire par l’acquéreur, bénéfice devant être partagé par moitié entre le prêteur et les débiteurs.

 

Pour autant, la société formera une demande de remboursement qui sera rejeté par le Tribunal le 25 février 2014 au motif que le bien immobilier ne trouve pas acquéreur.

 

Souhaitant être remboursée et devant l’inertie du couple emprunteur, la Société engage une procédure de saisie immobilière arguant de la mauvaise volonté des débiteurs qui empêchent la vente du bien par leur propre refus de vente alors que les débiteurs invoquent l’autorité de la chose jugée.

 

Après la décision du Juge de l’exécution dans le cadre de l’audience d’orientation, la Cour d’appel sera saisie du litige confirmera la procédure de saisie immobilière et ordonnera la vente forcée du bien au motif que :

 

« l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement et il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause et que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

 

  • Attachée au seul dispositif de la décision, l’autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice.
  •  

  • Pour écarter l’autorité de la chose jugée par le jugement du 25 février 2014, qui avait rejeté la demande en paiement, au motif que la condition préalable de vente de la maison édifiée n’était pas réalisée, l’arrêt, qui constate que la maison n’est pas vendue, retient que cette condition est purement potestative et que M. et Mme H… ne justifient pas de leur volonté d’exécuter de bonne foi les stipulations contractuelles, de sorte que le prêt est devenu exigible, la condition étant réputée acquise.»
  •  

    La Cour confirme donc que la condition de vente en l’espèce est une condition potestative qui doit être réputée accomplie si celui qui y a intérêt en a empêché l’accomplissement.

     

    Les débiteurs formeront alors un pourvoi en précisant que s’il incombe au demandeur de présenter, dès la première instance, l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder la demande, l’autorité de la chose jugée peut lui être opposée si un moyen nouveau est proposé, sauf à démontrer l’existence d’événements postérieurs modifiant la situation initialement reconnue.

     

    C’est sur le fondement de l’article 1355 du Code civil repris ci-dessous que la Cour cassera l’arrêt d’appel.

     

    Article 1355 du Code civil :

     

    « L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. »

     

    En effet, par un attendu comme suit :

     

    « En statuant ainsi, sur le fondement d’un moyen qui n’avait pas été invoqué devant le juge du fond et sans relever l’existence d’un fait nouveau justifiant d’écarter l’autorité de la chose jugée par le jugement du 25 février 2014, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

     

    La Cour de cassation rappelle que l’autorité de la chose jugée peut être opposée au demandeur qui présente un moyen nouveau, n’ayant pas été invoqué en première instance, sauf à démontrer l’existence de circonstances nouvelles venues modifier la situation antérieurement reconnue par la décision.

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