Devoir de mise en garde de la caution par la Banque : une défaillance automatique en cas d’échec programmé de l’opération financée

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

 

Source : Cass.Com., 15 novembre 2017, n° 16-16790, n°1437 P+B+R+I

 

I – Le devoir de mise en garde à destination de l’emprunteur.

 

Lors de l’octroi d’un crédit, la Banque est tenue à un devoir de mise en garde envers l’emprunteur non averti.

 

Voir à cet effet : Ch. Mixte, 29 juin 2007, Bull. 2007, n° 05-21.104 et n° 06-11.673.

 

Ce devoir de mise en garde prend son origine dans les obligations de la Banque édictées par le Code de la consommation en son article L312-16 qui précise :

 

« Avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l’article L. 751-1 , dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L. 751-6, sauf dans le cas d’une opération mentionnée au 1 de l’article L. 511-6 ou au 1 du I de l’article L. 511-7 du code monétaire et financier

 

Lors de la lecture de cet article, il faudra garder à l’esprit que la Banque et redevable d’un devoir de mise en garde tant à l’égard d’une personne physique que morale.

 

La jurisprudence a ensuite posé le régime accompagnant ce régime juridique. Trois conditions ont été dégagées :

 

Un prêt inadapté aux capacités financières de l’emprunteur ;

 

Cass.Civ1., 12 juillet 2005, Bull. 2005, I, n° 327, pourvoi n° 03-10.921 ; Com., 3 mai 2006, Bull. 2006, IV, n° 101, pourvoi n° 04-15.517

 

L’emprunteur doit être non averti ;

 

Un emprunteur averti dispose des compétences nécessaires pour apprécier la portée et les risques de l’engagement auquel il a consenti.

 

La jurisprudence est abondante sur ce point. Il y a une appréciation un concreto de la qualité de l’emprunteur.

 

Pour exemple, un dirigeant pourra selon les cas, être qualifié d’averti ou non selon le lien qui existe entre son activité professionnelle et la nature du crédit.

 

Com., 11 décembre 2007, pourvoi n° 05-21.234

 

L’emprunteur doit être de bonne foi.

 

Au surplus de ces obligations, la jurisprudence impose au prêteur une véritable obligation de vérification de la solvabilité de l’emprunteur qui ne peut se contenter des éléments déclarés par l’emprunteur, mais doit solliciter tout document utile à cette vérification.

 

II – L’extension du devoir de mise en garde à la caution.

 

L’arrêt objet de notre commentaire rendu le 15 novembre 2017 vient mettre en avant l’exigence du devoir de mise en garde de la caution non avertie au jour de son engagement.

 

La Cour rappelle que le devoir de mise en garde, s’apprécie :

 

– Au regard des capacités financières du garant

 

– ou au regard du risque né du prêt garanti en raison d’une inadéquation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur.

 

En l’espèce, une banque octroie un crédit à une société en contrepartie du cautionnement du dirigeant. Face à de multiples impayés, la caution est assignée en paiement.

 

La défense de la caution sera axée sur le défaut du devoir de mise en garde de la Banque.

 

La Banque reprendra les critères énoncés par la jurisprudence et précisera que le crédit était adapté aux capacités financières de la caution et que par conséquent, elle n’était pas tenue à un devoir de mise en garde.

 

Or, un détail a été omis dans ce raisonnement et la Cour de cassation ne manquera pas de le rappeler.

 

En effet, l’argumentaire développé par la Banque demeure valable à l’encontre de l’emprunteur et non de la caution.[1]

 

Les critères du devoir de mise en garde de la caution ont alors été rappelés par la Cour qui précise que :

 

– La caution doit avoir été mise en garde au regard de ses propres capacités financières et des risques d’endettement né de l’octroi des prêts[2] ;

 

– Ou que le prêt soit inadapté aux capacités financières de l’emprunteur.[3]

 

Si la Cour réitère ce rappel, elle ajoute un critère fondamental, celui de la pérennité de l’opération garantie.

 

En l’espèce, la Cour, après avoir rappelé ces critères énonce dans son attendu « qu’après avoir constaté que Mme X…n’était pas une caution avertie et retenu que l’opération était vouée à l’échec dès son lancement, la cour d’appel en a, à bon droit, déduit que la banque était tenue à l’égard de Mme X…à un devoir de mise en garde lors de la souscription de son engagement, peu important que celui-ci fût adapté à ses propres capacités financières ; »

 

Autrement dit, la Cour reprend les critères développés dans le corps de ce commentaire, mais retient que peu important l’adaptation à ses propres capacités financières, le fait que l’opération financée était vouée à l’échec dès son lancement est suffisant pour retenir la responsabilité de la Banque.

 

La Banque sera donc considérée comme défaillante dans son devoir de mise en garde si l’opération était dès le départ vouée à l’échec.

 

Cependant, il faut garder l’esprit que le devoir de mise en garde à la charge de la Banque porte sur le risque d’endettement résultant de l’octroi du prêt et non sur les risques de l’opération financée.[4]

 

Il incombera cependant à la caution de prouver le risque d’endettement.[5]

 

Jacques-Eric MARTINOT

Vivaldi-avocats.


[1] Ch. Mixte, 29 juin 2007, Bull. 2007, n° 05-21.104 et n° 06-11.673.

[2] Cass. com. 12 janv. 2010, 08-21.278

[3] Cass. com. 13 janv. 2015, n° 13-24.875

[4] Cass.Com., 20 avril 2017 n° 15-16316, F-D

[5] Cass. 1re civ., 18 févr. 2009, n° 08-11.221, n° 166 F-P+B+I et Cass. com., 13 nov. 2012, n° 11-20.763

 

 

 

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