Source : CA Paris, pôle 4, ch. 3, 11 janv. 2018, n°15/21363, JurisData n°2018-000102
Des preneurs à bail ont informé leur bailleur social se désister de l’attribution du logement, donner congé, et remettre les clés de l’appartement au gardien.
Le bailleur rappelait en réponse au preneur l’engagement contractuel résultant de la signature d’un contrat de bail et consécutivement, leur obligation de respecter un préavis de trois mois, convenant toutefois, au regard de leur situation personnelle, que la date de fin de préavis pourrait être fixée à la date de l’état des lieux de sortie.
Les preneurs ont alors fait part de leur refus de voir procéder à un état des lieux de sortie arguant ne pas avoir occupé le logement et précisant avoir, en toute hypothèse, d’ores et déjà restitué les clefs au gardien quelques jours plus tôt. Il invitait donc le bailleur a procédé au besoin, à un état des lieux non contradictoire.
Le bailleur a alors fait établir, par huissier, un procès-verbal de constat d’état des lieux de sortie ; les locataires convoqués à ces opérations n’y étant pas présents.
Consécutivement, le bailleur a strictement appliqué les dispositions contractuelles et sollicité paiement des sommes à devoir jusqu’au jour de la restitution « effective » des lieux donné à bail étant rappelé qu’en l’espèce, la réduction du préavis avait été proposé de manière dérogatoire au regard de la situation personnelle des preneurs et conditionné par la réalisation d’un état des lieux contradictoire lors duquel les clefs devaient être restituées.
Le tribunal a fait droit à cette demande, jugement dont le preneur a fait appel.
Au moyen de son appel, celui-ci soutient que :
il bénéficiait en application du contrat de bail d’un délai de préavis de congé abrégé d’un mois ;
le bailleur aurait donné son accord pour un délai de préavis réduit à un mois ;
en raison de la restitution des clés de l’appartement et de l’absence d’occupation du logement, il n’était pas nécessaire d’établir un état des lieux de sortie.
En réponse, le bailleur fait valoir essentiellement que :
en application de l’article 4 des conditions générales du bail, le preneur devait respecter un délai de préavis de trois mois pour donner congé,
il avait fait preuve de souplesse en acceptant un délai de préavis réduit à un mois pour tenir compte de la situation particulière des locataires à la condition toutefois de respecter la procédure contractuelle d’établissement d’un état des lieux de sortie,
de sorte qu’il appartenait au preneur de se conformer à la demande du bailleur relative à l’état des lieux de sortie et d’être présent à celui-ci, ce qui n’avait toutefois pas été le cas.
Sur ce et s’agissant du délai de préavis que le preneur prétendait avoir obtenu voir réduit à un mois, la Cour d’appel retient :
« Attendu, sur l’accord du bailleur pour l’application d’un délai de préavis abrégé, que la renonciation à un droit ne se présume pas ; qu’elle doit être prouvée par celui qui s’en prévaut et ne peut résulter que d’actes positifs exprimant de manière non équivoque la volonté du titulaire du droit de renoncer à celui-ci ;
Que des termes du courriel du 23 février 2012 il résulte que le bailleur a proposé au locataire « qu’une date de fin de préavis soit enregistrée à la date de l’état des lieux de sortie » ;
Que si par ce courrier le bailleur a accepté d’arrêter la fin du délai de préavis à la date d’établissement d’un état des lieux de sortie, il ne se déduit des termes employés qu’il ait accepté un délai réduit à un mois » ;
S’agissant ensuite des conditions de réalisation de l’état des lieux de sortie et de restitution des clefs (et donc des lieux), le preneur soutenant ne pas devoir être présent à l’état des lieux pour n’avoir pas occupé le logement et être en droit de restituer les clefs au gardien, ce qu’il indiquait avoir d’ailleurs déjà fait de sa seule autorité, la Cour retient :
« Attendu qu’il appartient au locataire de restituer les lieux dans les formes légales ;
Que la restitution des lieux est distincte du simple fait consistant pour le locataire à quitter matériellement le logement ; Qu’elle a lieu au moment où le bailleur est mis en mesure de reprendre possession des lieux concernés ;
Que le déménagement ne suffit pas à caractériser cette restitution ; que si la restitution des locaux est généralement marquée par la remise des clés, cette remise ne peut être valablement faite que lorsque les clés sont remises à une personne ayant effectivement reçu mandat de les recevoir pour le compte du bailleur ;
Attendu en l’espèce que le logement a été remis au preneur par le bailleur, le bail ayant pris effet par la remise des clés et l’établissement de l’état de lieux d’entrée ;
Que le fait que par la suite les locataires n’aient pas occupé le logement ne les dispensait pas de respecter leurs obligations relatives à la restitution des locaux dans les conditions de délai et de forme prévues par la loi du 6 juillet 1989 et par le contrat ;
Que la remise des clés dans la boîte aux lettres du gardien de l’immeuble ne constitue pas une restitution régulière du logement dès lors qu’il résulte en particulier d’un courriel du bailleur a clairement exprimé sa volonté de voir respecter les dispositions du contrat relatives au préavis et d’établir, conformément aux dispositions contractuelles, un état des lieux de sortie pour marquer la restitution des lieux ;
Que le moyen n’est donc pas fondé ».
Il en résulte que dès la signature du bail, le preneur est tenu par les obligations contractuelles en résultant et ce même si celui-ci n’est pas effectivement entré en jouissance des lieux pris à bail.
Consécutivement, le preneur est tenu :
non seulement de respecter le délai de préavis prévu au bail,
mais également de respecter les modalités légales de restitution effective des lieux donnés à bail savoir :
l’établissement d’un état des lieux de sortie et ce même s’il n’a pas occupé le logement,
et, dans le même temps, la restitution des clefs au bailleur ou à une personne ayant expressément reçu mandat du bailleur pour ce faire, le fait de quitter les lieux ne valant pas restitution juridique de ces derniers.
Delphine VISSOL
Vivaldi-Avocats