Déclaration notariée d’insaisissabilité et procédure collective : débat clos ?

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

Source : Cour de cassation, avis du 12 septembre 2016 n° 16010.

 

La question de l’articulation des déclarations notariées d’insaisissabilité avec les procédures collectives a fait l’objet de commentaires innombrables, tant les textes ayant mis en place ce dispositif étaient mal ficelés et sources d’interrogations.

 

La Cour de cassation a progressivement fait le tri et permis d’aboutir à une ligne de conduite largement admise en doctrine. Nous vous avions fait le point sur le sujet dans CHRONOS[1], mais avions indiqué que restaient en suspens plusieurs questions.

 

Manifestement, nous n’étions pas les seuls à nous interroger encore, puisque la Cour de cassation vient de rendre un avis suite à la réception de plusieurs questions émanant de juridictions. L’avis est court et mérite d’être cité in extenso.

 

Les questions étaient les suivantes :

 

« Si le créancier inscrit du débiteur en liquidation judiciaire à qui est inopposable la déclaration d’insaisissabilité effectuée par le débiteur :

 

– Est-il fondé à poursuivre la vente par voie de saisie immobilière de l’immeuble sur lequel il bénéficie d’une sûreté pendant le temps de la procédure,

 

– Dans l’affirmative, doit-il procéder selon les formes du droit commun de la saisie immobilière, définies par les articles contenus au livre III du code des procédures civiles d’exécution,

 

– Est-il soumis à la procédure spéciale en matière de saisie immobilière, donnant compétence au Juge Commissaire pour autoriser la vente selon les prévisions des articles L. 643-2, L. 642-18, R. 643-1 du code de commerce ?” »

 

A ces questions la Cour répond :

 

« Les questions ne sont pas nouvelles et ne présentent plus de difficulté sérieuse dès lors que la Cour de cassation a statué par deux arrêts de la chambre commerciale des 5 avril et 12 juillet 2016 (pourvois n° 14-24.640 et 15-17.321, en cours de publication) dont il résulte que le créancier, titulaire d’une sûreté réelle, à qui est inopposable la déclaration d’insaisissabilité de l’immeuble appartenant à son débiteur en liquidation judiciaire, peut exercer son droit de poursuite sur cet immeuble pendant la procédure collective par voie de saisie-immobilière selon les règles posées au livre III du code des procédures civiles d’exécution, les articles L.643-2 et L.642-18 du code de commerce régissant la cession des actifs immobiliers d’un débiteur en liquidation judiciaire n’étant pas applicables, que le créancier ait déclaré ou non sa créance. »

 

Il ressort donc clairement qu’un certain nombre d’hypothèses avancées en doctrine sont validées :

 

– Le créancier titulaire d’une sûreté réelle, à qui est inopposable la déclaration d’insaisissabilité de l’immeuble appartenant à son débiteur en liquidation judiciaire, est bien un créancier hors procédure ;

 

– Il n’a pas à déclarer sa créance, mais peut le faire ;

 

– Il peut exercer son droit de poursuite individuel, indépendamment de la procédure collective et simultanément à celle-ci ;

 

– La poursuite est opérée par voie de saisie immobilière, selon les règles de droit commun du Code de procédure civile d’exécution ;

 

– Réciproquement, le Juge Commissaire n’est pas compétent.

 

La Cour, en jugeant que les questions n’étaient pas nouvelles, dit « n’y avoir lieu à avis ».

 

Elle semble clore le débat sur la déclaration notariée d’insaisissabilité.

 

Il reste cependant selon nous une dernière question : quid du solde du prix de vente une fois le créancier saisissant désintéressé ? Nous avions précisé que l’insaisissabilité se reportait sur le prix, à condition que ce prix soit réemployé à l’achat d’un immeuble dans le délai d’un an. A défaut, la protection de la déclaration notariée disparaissait.

 

Selon nous, ce solde réintégrerait alors le gage commun des créanciers, qui pourrait être appréhendé par le Mandataire judiciaire, au bénéfice des créanciers de la procédure collective.

 

Mais très clairement, l’essentiel du débat semble aujourd’hui avoir été traité.

 

Etienne CHARBONNEL

Vivaldi-Avocats



[1] Cf article chronos Me Frédéric Vauvillé du 14 juin 2016 : “Déclaration d’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur individuel”

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