Source : Cass. civ. 1ère, 9 mars 2016, n°15-18.899, F-P+B+I
En l’espèce, un particulier souscrit en 2010 deux crédits immobiliers auprès d’une banque, et adhère pour l’occasion à deux contrats d’assurance groupe. En 2012, l’emprunteur notifie à la banque la résiliation des contrats d’assurance, et propose une substitution desdits contrats. L’établissement de crédit refusant cette substitution, il assigne celui-ci et les assureurs aux fins de voir constater la résiliation des contrats sur le fondement de l’article L.113-12 du Code des assurances, et de les voir condamner à payer des dommages-intérêts.
En défense, banque et assurances opposent les dispositions de l’article L.312-9 du Code de la consommation, texte spécial applicable à l’espèce, et prévoyant notamment une faculté de résiliation par l’emprunteur du contrat d’assurance groupe souscrit en garantie d’un crédit immobilier, durant les douze premiers mois du contrat. Au-delà, la résiliation n’est plus possible. L’article L.113-12 du Code des assurances, prévoyant un droit de résiliation du contrat d’assurance par le souscripteur à la date anniversaire dudit contrat, est un texte général, qui n’a pas vocation à s’appliquer aux résiliations des contrats d’assurance groupe souscrits dans le cadre d’un crédit immobilier.
La Cour d’appel de Bordeaux confirme pourtant le jugement de première instance.
La banque et les assureurs forment un pourvoi en cassation. Reprenant l’argumentation de la banque et des assureurs précitée, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt d’appel, en vertu du principe selon lequel les lois spéciales dérogent aux lois générales (en latin : « Specalia generalibus derogant »).
La solution n’allait pas forcément de soi, puisque le litige est né entre la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 (dite « loi Lagarde ») et la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 (dite « loi Hamon »), période pendant laquelle aucun texte spécial ne dérogeait au texte général quant à une faculté de résiliation du contrat d’assurance groupe par l’emprunteur dans le cadre d’un crédit immobilier (seule la faculté de substitution était envisagée). En effet, la loi de 2014 s’appliqueaux contrats souscrits à compter du 26 juillet 2014 (article 54 VI de la loi). La question de l’application de la loi dans le temps se posait également pour les Hauts magistrats.
La Cour d’appel de Douai a encore récemment jugé en sens contraire[1], considérant que l’assurance emprunteur pouvait être résiliée annuellement car, s’agissant d’une assurance vie mixte, l’article L.113-12 du Code des assurances prévoyant une faculté de résiliation à échéance annuelle devait s’appliquer.
La réponse est aujourd’hui claire, et les juges du fond devront à l’avenir se conformer à la position de la Cour de cassation.
Il est à noter qu’à compter du 1er juillet 2016, l’article L.312-9 alinéa 5 du Code de la consommation deviendra l’article L.313-15 (ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation). La recodification du Code de la consommation se faisant à droit constant, la jurisprudence ci-avant commentée sera toujours applicable.
Thomas LAILLER
Vivaldi-Avocats
[1] CA Douai, 3ème ch., 21 janv. 2016, RG n°14/01657